jeudi 13 novembre 2008

Les «pères français» du bauhinia, emblème de Hong Kong

En 1997, lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, la nouvelle Région Administrative de Hong Kong choisit comme emblème une fleur locale, le «bauhinia blaekana». La fleur, stylisée, figure sur le drapeau de Hong Kong et sur l’ensemble des documents administratifs du territoire. L’anecdote est très peu connue mais cette fleur présente des liens étroits et multiples avec la France…
Appellation éponyme, le terme bauhinia rappelle le nom des frères Bauhin, Gaspard et Jean, deux herboristes du XVIe siècle qui ont consacré leur vie à la botanique. Leur père, Jean Bauhin Père (1511-1582), médecin et botaniste, doit, après avoir embrassé la Réforme, fuir la France pour éviter les persécutions des Guerres de Religion. Chirurgien, il est reçu en 1575 comme membre extraordinaire de la faculté de médecine de Bâle. Les enfants Bauhin héritent de la curiosité scientifique de leur père et de son goût pour la médecine et les plantes. Tous deux seront ainsi médecins-chirurgiens mais aussi herboristes et botanistes. L’aîné Jean (1541-1612) cultive la pomme de terre deux siècles avant Parmentier à partir de plants issus du jardin botaniste de Bâle! Il se lance aussi dans une description de plus de 5000 plantes et herbes et publie un «Historia Plantarum universalis» avec plus de 3500 illustrations, œuvre majeure pour l’époque. Gaspard Bauhin (1560-1624) occupe à partir de 1589 la chaire de botanique de l’université de Bâle. Comme son frère aîné, Gaspard recense et décrit également des milliers de plantes dans son «Pinax Theatri Botanici» puis dans son «Theatrum Botanicum», dont il ne peut terminer que trois volumes sur les douze prévus. Mais Gaspard va plus loin que la description des plantes étudiées. Il propose également une ébauche de classification de ces plantes, basée non sur leur classement alphabétique, leur taille et leur lieu d’origine, comme cela se pratiquait alors, mais en les baptisant d’un nom court, souvent constitué de deux mots. Cette classification préfigure le système binomial du très célèbre botaniste Linné. Dès le XVIe siècle, l’œuvre des frères Bauhin est reconnue comme apportant une contribution majeure à l’étude et à la connaissance des plantes.
C’est donc pour leur rendre hommage que le père Plumier (1646-1704), prêtre français, grand voyageur et botaniste, spécialiste de la flore des Antielles, baptise une catégorie de plantes qu’il étudie, du nom de bauhinia. Le genre bauhinia est en effet caractérisé par des feuilles simples bilobées et ce nom de baptême fait ainsi référence aux frères Bauhin, unis dans une même passion pour la botanique. On doit d’ailleurs au père Plumier, entre autres, les noms de bégonia, fushia, lobélia, magnolia, baptisés également en l’honneur de célèbres botanistes (Bégon, Fuschs, Lobel, Magnol).
Par la suite, le lien du bauhinia avec Hong Kong relève de la tradition de la botanique chez les frères des Missions Etrangères de Paris (MEP) et ce, depuis le XVIIIe siècle. Installés à la Maison de Béthanie, à Pokfulam, les frères des MEP y poursuivent en effet cette tradition. Ils collectent plantes, herbes et arbres trouvés sur le territoire de Hong Kong et les font pousser aussi dans leur jardin de Béthanie. En 1888, le Père JM Delavay identifie pour la première fois près des ruines d’une maison située en bord de mer, au Mont Davis, une plante de la famille des Bauhinia, à la couleur violette et jusqu’alors inconnue. Les frères des MEP en récupèrent des boutures pour les planter dans leur jardin, mais ils n’omettent pas d’en confier d’autres au Jardin Botanique de Hong Kong, où la plante peut ainsi être cultivée et conservée.
A la fin du XIXe siècle, Stéphane T. Dunn, responsable de la direction des Forêts de Hong Kong, complète le nom de cette plante que lui ont confiée les frères des MEP. Au nom générique de Bauhinia il ajoute ainsi le qualificatif blakeana, en hommage à Sir Henry Blake, le gouverneur de la colonie britannique de Hong Kong à l’époque (1898-1903).
Le bauhinia blaekana est depuis devenue une plante courante du territoire de Hong Kong et sa couleur violette l’a rendue très populaire. C’est pourquoi elle devient en 1965 le symbole de la ville de Hong Kong. C’est aussi la raison pour laquelle, en 1997, elle est retenue pour symboliser la Région Administrative Spéciale de Hong Kong.
Les liens multiples du bauhinia blaekana, emblème de Hong Kong, avec des Français, des frères Bauhin au père Plumier et du Père Delavay à ses confrères botanistes des MEP, étaient un peu tombés dans l’oubli…

CR.

Sources : www.botanique.org; Alain Le Pichon, Béthanie and Nazareth, HKAPA, 2006.

1 commentaire:

Alexis Astier a dit…

Cet article est vraiment intéressant. Merci pour toutes les informations précieuses qu'il contient.
Je me suis laissé entraîner dans l'histoire du Bauhinia blakeana !