Le 18 septembre 1906, un violent typhon frappe Hong Kong et provoque plus de dix mille morts. Le contre-torpilleur «La Fronde», en escale avec d’autres bâtiments français du même type, sombre à Kowloon et cinq de ses membres d’équipage sont portés disparus. Plus de quarante ans plus tard, le commandant d’un des navires français livre un témoignage de première main sur cette catastrophe naturelle qui a marqué les esprits à Hong Kong pendant des décennies.
Au début du XXe siècle, le port de Hong Kong connaît déjà un trafic intense. 41% du commerce avec la Chine passent alors par le port de Victoria et des centaines de paquebots, de voiliers, de navires marchands à vapeur, de bâtiments de guerre et de jonques mouillent chaque jour dans le port. A l’époque aussi, plusieurs dizaines de milliers de Chinois vivent et travaillent sur plus de 10000 sampans et embarcations de pêche qui s’agglutinent tout au long des côtes de l’île de Hong Kong et de Kowloon.
Le 15 septembre 1906, une flottille de cinq contre-torpilleurs français, appartenant à la Division Navale d’Extrême-Orient et en provenance de Shanghai, arrive à Hong Kong après avoir affronté une queue de typhon le 13 septembre: «Javeline», chef de flottille, «Francisque», «Fronde», «Rapière» et «Sabre». Du fait de l’encombrement du port, seule la «Javeline» s’est amarrée à quai sur l’île de Hong Kong et les quatre autres contre-torpilleurs mouillent dans la baie de Kowloon, à deux ou trois cents mètres du quai. Le commandant du «Sabre», le lieutenant de vaisseau Hallier, raconte au début des années cinquante, alors qu’il est amiral à la retraite, l’expérience unique qu’il a vécue à Hong Kong ce jour-là.
«Le 18 septembre au matin, je monte sur le pont du «Sabre» vers 7 heures et demie et je suis tout de suite frappé par l’aspect et la teinte insolite du ciel, par la nature et la couleur des nuages montant de l’horizon, signes caractéristiques précurseurs d’un typhon». Le lieutenant de vaisseau note que «le service du port n’a pas donné l’avis habituel concernant l’approche d’un typhon» et ce point, l’absence d’avertissement par le Royal Observatory de Hong Kong, chargé des prévisions météorologiques, va faire l’objet de vives polémiques dans les mois qui suivent le drame qui s’annonce. Le commandant du «Sabre» décide de faire lancer ses machines au plus vite afin de permettre au navire de ne pas subir la violence des vagues et, malgré le manque de pression de la vapeur, les mécaniciens réussissent à démarrer les moteurs. Tous les navires en rade de Hong Kong n’ont cependant pas eu ce réflexe ou ont manqué de temps et, en quelques dizaines de minutes, le port devient un véritable enchevêtrement de bateaux en perdition: «Des épaves de tous genres sillonnaient la rade et menaçaient à chaque instant de nous heurter. C’étaient des paquebots ou des cargos ayant rompu leurs chaînes et allant à la dérive, ballottés par la mer démontée, des grandes jonques plus ou moins endommagées, des sampans, des embarcations, des débris variés provenant des constructions sur les quais ou des appontements». Pendant trois heures, le commandant et son équipage luttent pour éloigner le «Sabre» de la zone où la force du typhon est la plus violente et la plus dangereuse, trois heures pendant lesquelles le contre-torpilleur rencontre «des épaves et des débris de toutes sortes et aussi, malheureusement, des êtres humains, arrachés aux jonques et aux sampans brisés, qui luttent désespérément, agrippés à un débris quelconque, à qui nous ne pouvons être maintenant d’aucun secours et qui, fatalement, seront la proie de la mer en fureur. Combien d’autres que nous ne voyons pas sont déjà engloutis!».
Vers midi, la violence du vent diminue et le temps commence à s’éclaircir. Le lieutenant de vaisseau Hallier peut mesurer l’étendue du désastre: «Partout des navires échoués, abîmés, les coques défoncées, des mâts, des débris de toutes sortes et aussi, hélas, partout des naufragés et des noyés». Des naufragés chinois accrochés en grappe à un espar (bout de mât) arrivent en vue du navire et le commandant fait jeter vers eux une «des rares amarres qui (nous) restent sur le pont. L’un des Chinois saisit la corde; mais au moment où l’on fait effort pour les attirer vers nous, un violent coup de mer casse net l’amarre et submerge l’espar avec ceux qu’il porte. Ils disparaissent sous nos yeux, rejetés loin de nous par les lames, et nous devons les abandonner». L’équipage réussit cependant à sauver un homme des flots déchaînés. Plus de quarante ans après le drame, le commandant du «Sabre» évoque les «navires brisés sur les quais, […] ceux soulevés de leur appontement pour être transportés à un autre» et les «innombrables jonques et sampans mis en pièce». Parmi ces épaves se trouve le contre-torpilleur «La Fronde», entré en collision avec un gros navire et qui sombre aussitôt. Mais l’amiral Hallier se souvient surtout du terrible coût humain du typhon du 18 septembre, qui provoque plus de dix mille morts: «Pendant plusieurs jours on vit flotter sur la rade des cadavres qui étaient recueillis aussitôt aperçus, mais combien disparurent sous les eaux sans qu’on en eût connaissance!». Il note aussi que «peu d’Européens périrent, mais parmi eux, hélas! les marins de la «Fronde» dont les corps ne purent être retrouvés». En 1908, un monument est érigé à Kowloon en mémoire des cinq marins disparus.
Quelques jours après le typhon, un capitaine de vaisseau anglais confie au lieutenant de vaisseau Hallier qu’«on n’est pas un marin tout à fait complet si on n’a pas connu cela, mais, croyez-moi, il vaut mieux ne pas le connaître une seconde fois». Le jeune officier français acquiesce et, quatre décennies plus tard, l’amiral expérimenté, ayant commandé plusieurs fois à la mer, reconnaît avoir été servi «par une très grande chance» mais aussi par un très bon équipage, «ensemble parfait, dans un sentiment unanime d’estime et de sympathie réciproques, et de confiance absolue les uns dans les autres».
Le 15 septembre 1906, une flottille de cinq contre-torpilleurs français, appartenant à la Division Navale d’Extrême-Orient et en provenance de Shanghai, arrive à Hong Kong après avoir affronté une queue de typhon le 13 septembre: «Javeline», chef de flottille, «Francisque», «Fronde», «Rapière» et «Sabre». Du fait de l’encombrement du port, seule la «Javeline» s’est amarrée à quai sur l’île de Hong Kong et les quatre autres contre-torpilleurs mouillent dans la baie de Kowloon, à deux ou trois cents mètres du quai. Le commandant du «Sabre», le lieutenant de vaisseau Hallier, raconte au début des années cinquante, alors qu’il est amiral à la retraite, l’expérience unique qu’il a vécue à Hong Kong ce jour-là.
«Le 18 septembre au matin, je monte sur le pont du «Sabre» vers 7 heures et demie et je suis tout de suite frappé par l’aspect et la teinte insolite du ciel, par la nature et la couleur des nuages montant de l’horizon, signes caractéristiques précurseurs d’un typhon». Le lieutenant de vaisseau note que «le service du port n’a pas donné l’avis habituel concernant l’approche d’un typhon» et ce point, l’absence d’avertissement par le Royal Observatory de Hong Kong, chargé des prévisions météorologiques, va faire l’objet de vives polémiques dans les mois qui suivent le drame qui s’annonce. Le commandant du «Sabre» décide de faire lancer ses machines au plus vite afin de permettre au navire de ne pas subir la violence des vagues et, malgré le manque de pression de la vapeur, les mécaniciens réussissent à démarrer les moteurs. Tous les navires en rade de Hong Kong n’ont cependant pas eu ce réflexe ou ont manqué de temps et, en quelques dizaines de minutes, le port devient un véritable enchevêtrement de bateaux en perdition: «Des épaves de tous genres sillonnaient la rade et menaçaient à chaque instant de nous heurter. C’étaient des paquebots ou des cargos ayant rompu leurs chaînes et allant à la dérive, ballottés par la mer démontée, des grandes jonques plus ou moins endommagées, des sampans, des embarcations, des débris variés provenant des constructions sur les quais ou des appontements». Pendant trois heures, le commandant et son équipage luttent pour éloigner le «Sabre» de la zone où la force du typhon est la plus violente et la plus dangereuse, trois heures pendant lesquelles le contre-torpilleur rencontre «des épaves et des débris de toutes sortes et aussi, malheureusement, des êtres humains, arrachés aux jonques et aux sampans brisés, qui luttent désespérément, agrippés à un débris quelconque, à qui nous ne pouvons être maintenant d’aucun secours et qui, fatalement, seront la proie de la mer en fureur. Combien d’autres que nous ne voyons pas sont déjà engloutis!».
Vers midi, la violence du vent diminue et le temps commence à s’éclaircir. Le lieutenant de vaisseau Hallier peut mesurer l’étendue du désastre: «Partout des navires échoués, abîmés, les coques défoncées, des mâts, des débris de toutes sortes et aussi, hélas, partout des naufragés et des noyés». Des naufragés chinois accrochés en grappe à un espar (bout de mât) arrivent en vue du navire et le commandant fait jeter vers eux une «des rares amarres qui (nous) restent sur le pont. L’un des Chinois saisit la corde; mais au moment où l’on fait effort pour les attirer vers nous, un violent coup de mer casse net l’amarre et submerge l’espar avec ceux qu’il porte. Ils disparaissent sous nos yeux, rejetés loin de nous par les lames, et nous devons les abandonner». L’équipage réussit cependant à sauver un homme des flots déchaînés. Plus de quarante ans après le drame, le commandant du «Sabre» évoque les «navires brisés sur les quais, […] ceux soulevés de leur appontement pour être transportés à un autre» et les «innombrables jonques et sampans mis en pièce». Parmi ces épaves se trouve le contre-torpilleur «La Fronde», entré en collision avec un gros navire et qui sombre aussitôt. Mais l’amiral Hallier se souvient surtout du terrible coût humain du typhon du 18 septembre, qui provoque plus de dix mille morts: «Pendant plusieurs jours on vit flotter sur la rade des cadavres qui étaient recueillis aussitôt aperçus, mais combien disparurent sous les eaux sans qu’on en eût connaissance!». Il note aussi que «peu d’Européens périrent, mais parmi eux, hélas! les marins de la «Fronde» dont les corps ne purent être retrouvés». En 1908, un monument est érigé à Kowloon en mémoire des cinq marins disparus.
Quelques jours après le typhon, un capitaine de vaisseau anglais confie au lieutenant de vaisseau Hallier qu’«on n’est pas un marin tout à fait complet si on n’a pas connu cela, mais, croyez-moi, il vaut mieux ne pas le connaître une seconde fois». Le jeune officier français acquiesce et, quatre décennies plus tard, l’amiral expérimenté, ayant commandé plusieurs fois à la mer, reconnaît avoir été servi «par une très grande chance» mais aussi par un très bon équipage, «ensemble parfait, dans un sentiment unanime d’estime et de sympathie réciproques, et de confiance absolue les uns dans les autres».
CR.
Sources : «La Revue Maritime», septembre 1951; Archives du South China Morning Post. Crédit photographique : HKMM; Supplément illustré du Petit Journal, 1906.
1 commentaire:
Bonjour,
Je suis en train de dépouiller 8000 fiches matricules de soldats du Canton de Pont-Croix (29) pour une étude sur la Première Guerre mondiale. Je viens de tomber sur la fiche de Alain Jean Marie Kersaudy, né à Plogoff, engagé volontaire dans la marine. Il était à bord du "Francisque" lors de ce typhon voici ce qui est mentionné sur sa fiche." Témoignage de haute satisfaction du vice-amiral commandant en chef pour sa vaillante conduite pendant le typhon qui a assailli subitement le bâtiment à Hong-Kong le 18 septembre 1906"
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