lundi 8 décembre 2008

A Kowloon, le collège La Salle sort de terre en 1930

Nous avons déjà évoqué l’enseignement laïc et français à Hong Kong, et son histoire mouvementée de 1964 à nos jours (ici). Avant la Seconde Guerre mondiale, il existe déjà un enseignement français, le plus souvent bilingue par ailleurs, animé par les religieux. Les écoles des Frères français connaissent alors un grand succès, à tel point qu’en 1930, un nouveau collège est inauguré. Le Frère Aimar en est le fondateur.
Le 5 novembre 1930, la première pierre du collège La Salle est posée à Kowloon, dans une zone alors fraîchement urbanisée. Un acte tout à fait symbolique, puisque comme le dit Georges Dufaure de la Prade, Consul général de France en poste à l’époque, «à proprement parler la première pierre a été scellée alors que les travaux d’édification du collège se trouvent déjà poussés fort loin : deux étages sont [déjà] construits.» Sir William Peel, Gouverneur de Hong Kong, officie en ce jour d’inauguration des travaux, accompagné de Mgr Constantini, le délégué apostolique, ainsi que Mgr Valtorta, évêque de Hong Kong. L’événement mérite en effet tous ces déplacements car c’est un projet ambitieux qui vise à ancrer plus encore l’enseignement des religieux français à Hong Kong.
Les Frères de la doctrine chrétienne, à l’origine de ce nouvel établissement, ont inauguré leur première école à Hong Kong en 1875. Ils déménagèrent de nombreuses fois pour s’établir enfin sur Kennedy road avec le collège Saint-Joseph, en 1914 ; le Frère Aimar, tout juste arrivé à Hong Kong est alors nommé Directeur. Il en fait «l’un des meilleurs établissements d’éducation de la ville», fort de 620 élèves en 1930. Avec cette solide réputation vient la crise du logement : les effectifs augmentent et les nombreux aménagements de l’école ne suffisent plus à contenir tout le monde. Le consul revient sur les faits : «C’est à partir de 1924, que le Directeur des Frères de la Doctrine chrétienne, préoccupé par l’exiguïté de son école située à Hong Kong et désireux aussi de donner satisfaction aux doléances des parents d’élèves résidant à Kowloon, rechercha, dans les nouveaux districts et dans la partie dénommée Kowloon Tong, le site le mieux approprié pour l’établissement d’un collège».
Dufaure de la Prade rappelle que le précédent gouverneur, Sir Cecil Clementi, était également enthousiaste sur ce projet; c’est lui qui a aidé les Frères à acquérir le terrain sur lequel ils ont jeté leur dévolu. «Ce terrain, d’une superficie de plus de 400 acres fut acquis pour la somme de 120,000 dollars le 23 avril 1928, les plans furent immédiatement dressés, et sitôt qu’ils eurent été approuvés par le Supérieur Général de la Société […] les travaux commencèrent ; ils représentent une dépense de 900,000 dollars.» Au final, «il s’agit d’un bâtiment considérable, en ciment armé, comportant l’emplacement pour vingt classes, pour une salle de réunion, des laboratoires de physique et de chimie ; sept cents élèves pourront y suivre leurs cours et se préparer aux examens correspondant à notre certificat d’étude et à notre baccalauréat.» On est bien loin des 35 élèves de 1964… car l’ambition n’est pas la même. Les religieux souhaitent également atteindre le public autochtone pour poursuivre et consolider leur œuvre d’évangélisation.
La question financière préoccupe beaucoup le Frère Aimar, Directeur des deux collèges. Les ressources sont épuisées, «mais il espère que ceux qui s’intéressent aux choses de l’éducation l’aideront,» précise le Consul, «et puis, par-dessus tout, il sait en bon Français qu’il est, qu’à cœur vaillant rien d’impossible.» Les Frères «ont reçu une subvention de 50,000 dollars du Gouvernement de Hong Kong, et le gouverneur a souligné qu’une aide plus substantielle leur serait accordée si les ressources de la trésorerie n’étaient pas aussi restreintes.» Peut-être est-ce, de la part du Consul, une manière déguisée de rappeler à ses supérieurs que le Frère Aimar adresse régulièrement des demandes de subsides qui restent, injustement selon lui, sans réponse0. La seule aide que le gouvernement français octroie au collège Saint-Joseph, ce sont quelques colis de livres, choisis par «la Section littéraire et artistique du Service des œuvres françaises à l’étranger de la Direction des Affaires politiques et commerciales du Ministère des Affaires Etrangères» (sic)…
Dans une dépêche adressée au Ministre des Affaires Etrangères, le consul cite des passages entiers du discours louangeur du gouverneur de Hong Kong au sujet du frère Aimar. «A cet éloge, il m’est agréable de souscrire de tout cœur, et je crois que toute marque d’intérêt que voudrait bien lui donner le Gouvernement de la République serait accueillie avec fierté par ce vaillant et excellent Français.» A plusieurs reprises, le consul général propose le religieux pour les plus hautes distinctions françaises. Le travail du Frère est effectivement considérable : «[Lorsque le bâtiment sera achevé] le Frère Aimar aura en moins de 20 ans doublé une œuvre scolaire, basé sur les grands principes d’ordre et de discipline, où grâce à un exercice méthodiquement dosé des études et des sports est pratiqué l’adage «mens sana in copore sano».»
Aujourd’hui, le collège La Salle existe encore, toujours au même endroit, dans une rue qui s’appelle désormais… La Salle road! La statue de Jean-Baptiste de la Salle, «père de la pédagogie moderne», réplique de celle exposée à Saint-Pierre de Rome, est devant l’entrée principale, non loin de la devise de l’école: «fides et opera» (foi et travail). Par ailleurs, un buste du Frère Aimar est posé dans le hall. Pendant l’Occupation japonaise, le Frère fondateur du collège s’est enfui vers l’Indochine… et y est mort quelques temps après. En 1966, ses restes ont été ramenés à Hong Kong et ensevelis sous son buste dans le collège pour lequel il a tant donné, avec cette épitaphe : «Si monumentum requiris circumspice», c’est-à-dire, «si vous cherchez un monument [en la mémoire de cet homme] regardez autour de vous». Lors de la reconstruction du collège en 1982, ses cendres ont été déplacées au cimetière de Happy Valley, mais le buste est toujours sa place.

FD.

Sources: Archives des Missions Etrangères de Paris ; Archives du ministère des Affaires Etrangères, Nantes ; www.lasalle.edu.hk Crédits photographiques : Archives des Missions Etrangères de Paris pour la photo du jour de l’inauguration ; www.lasalle.edu.hk pour la photo de la pierre inaugurale.

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