Il y a 60 ans était inaugurée à Hong Kong une stèle érigée à la mémoire des Français Libres morts pour la France pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ce monument, lieu de mémoire, témoigne des actes de bravoure de Français qui ont pris part à la défense de Hong Kong en décembre 1941 ou qui ont participé à la résistance contre l’occupant japonais.
Le 31 mars 1948, une stèle à la mémoire des Français Libres est inaugurée par le consul de France, Robert Jobez, au cimetière militaire de Stanley, situé sur une péninsule au Sud de l’île de Hong Kong. C’est dans cette partie méridionale de l’île que se déroulent fin décembre 1941 les derniers combats contre les forces d’invasion japonaises. Cet endroit est aussi le site d’un camp de triste réputation où furent internés les Occidentaux faits prisonniers par l’armée japonaise après la capitulation de la colonie. Les Français Libres du territoire ont tous pris part à la bataille de Hong Kong. La stèle a été élevée par l’Association des Français Libres, dont le consul est délégué, «à la mémoire de leurs camarades tués ou décédés à Hong Kong». Dans une lettre du 31 mars, le consul précise que «ce monument érigé d’accord avec les autorités locales à l’entrée du cimetière militaire de Stanley a pu être construit grâce aux souscriptions des membres et à une conribution de la section de Changhai». Quand la stèle est inaugurée, quatre noms et mentions figurent sur une plaque de marbre blanc, où sont inscrites aussi les trois mentions «Pro Patria», «A la mémoire de nos camarades» et «Français Libres». Les archives du ministère des Affaires étrangères permettent de reconstituer le sort de ces Français Libres morts pour la France en Asie:
- «Lieutenant Frédéric Marie Jocosta, né le 12 juin 1908, engagé volontaire le 8 décembre 1941, tué à North Point le 19 décembre 1941»: officier de liaison et chef du service de renseignement de la France Libre à Singapour, Frédéric Jocosta est de passage à Hong Kong en octobre 1941. Il rejoint le Corps des Volontaires dès le premier jour de l’invasion japonaise, lancée le lendemain de l’attaque de Pearl Harbour. Frédéric Jocosta est tué dans les combats des premières semaines, sur l’un des points d’appui britanniques de la défense de l’île de Hong Kong.
- «Soldat Armand Delcourt, A.S.C. né à Tournai le 4 mai 1899, engagé volontaire en juillet 1940, tué à Répulse Bay le 21 décembre 1941»: les archives précisent que «Monsieur Armand Delcourt, d’origine française mais belge de nationalité a trouvé la mort à Hong Kong dans des conditions particulièrement dramatiques». Le soldat Delcourt est en effet grièvement blessé de deux coups de baïonette à l’abdomen le 21 décembre. Deux jours plus tard, alors qu’il cherche un poste de secours pour se faire soigner, il est capturé par des soldats japonais à Repulse Bay, en même temps qu’une dizaine de soldats britanniques. Tous sont exécutés une demi-heure après leur capture d’une balle dans la nuque. Le consul de France, dans un mémoire de proposition pour décoration à titre posthume en date du 23 février 1947, précise au sujet d’Armand Delcourt : «faisant partie lui aussi malgré sa nationalité du mouvement de la France Libre et à ce titre s’était engagé dans le Corps des Volontaires».
- «Cannonier Pierre B.M. Mathieu, 2nd BTY, né à Marseille le 5 juillet 1911, engagé volontaire en juillet 1940, décédé à Sham Shui Po le 27 août 1943». Agent de la compagnie Optorg de Hong Kong, Pierre Mathieu rejoint la France Libre en 1941 et devient secrétaire de la section de Hong Kong. Incorporé dans le Corps des Volontaires, affecté à la Deuxième Batterie d’artillerie, il est fait prisonnier le 25 décembre 1941, dernier jour des combats, et se trouve interné à North Point puis à Stanley. C’est dans ce dernier camp, Sham Shui Po, qu’il meurt «électrocuté sur les fils de fer barbelés».
- «Captain J.B.E.R. Egal, H.K.V.D.C., né à Montclar d’Agenais le 6 mars 1892, décédé le 29 décembre 1947 à Hong Kong»: René Egal est l’ancien responsable de la France Libre à Shanghai et se trouve en transit à Hong Kong à l’ouverture des hostilités. Il rejoint le Corps des Volontaires de Hong Kong, comme capitaine, et fait partie du détachement chargé de la protection de l’usine électrique de l’île de Hong Kong. René Egal est fait prisonnier dans les premiers jours des combats et est interné au camp des officiers de Sam Shui Ho, à Kowloon. Un officier britannique, échappé de ce camp en 1944, fournit alors des nouvelles sur René Egal pendant sa période de captivité. En juillet 1944, Egal est «en bonne santé et a conservé un excellent moral. […] Il est assez convenablement traité et peut se procurer des vivres de l’extérieur. Il lui est permis de correspondre avec sa femme qui est professeur au collège municipal français de Shanghai». Libéré en 1945, René Egal reste à Hong Kong et ses années de captivité semblent l’avoir affaibli. Il décède en 1947 à l’âge de 54 ans.
Plusieurs années après son inauguration, la stèle est déplacée vers l’extrémité sud du cimetière de Stanley et la plaque est changée, comme le montre la comparaison des photos datant de 1948 et 2008. Deux noms sont aussi ajoutés à la liste initiale :
- «Henri Belle, décédé à Narume, près de Nagoya le 3 novembre 1944» : marin de la marine marchande, Henri Belle est en transit à Hong Kong lors de l’invasion japonaise, alors qu’il s’est porté volontaire pour rejoindre la France Libre. Il s’engage alors lui aussi dans le Corps des Volontaires et est fait prisonnier à l’issue des combats. Comme d’autres prisonniers occidentaux, Henri Belle est transféré vers un camp d’internement au Japon où il décède en 1944, sans que les causes du décès soient connues.
- «Paul de Roux, victime de la Kempetai, décédé à Hong Kong le 19 février 1944» : directeur de la Banque d’Indochine à Hong Kong, Paul de Roux prend part à la résistance contre les forces d’occupation japonaises. Arrêté et torturé par la police secrète japonaise, la Kempetai, il meurt le 19 février 1944. L’acte de décès dressé auprès des autorités britanniques le 13 avril 1950, sur témoignage de «M. Kwok Chan, compradore de la Banque de l’Indochine», mentionne «Unknown» pour la cause de la mort, indication «inconnue» reprise dans la transcription de cet acte de décès, inscrite au Consulat de France le 17 avril 1950.
Pendant une cinquantaine d’années, de 1948 à 1997, le Consulat de France et les attachés militaires qui y sont affectés, comme le lieutenant-colonel Jacques Guillermaz ou le capitaine Galula, participent régulièrement aux commémorations organisées au cimetière militaire de Stanley, les 11 novembre, 8 mai ou 18 juin. Après la rétrocession de 1997, les fonctions d’attachés militaires sont supprimées et la tradition semble se perdre. On peut cependant relever, il y a une dizaine d’années, la tenue d’une cérémonie franco-anglaise au cimetière militaire. Le 8 août 2000 en effet, le commandant de la frégate Aconit et celui de la frégate de la Royal Navy HMS Cornwall, toutes deux en escale à Hong Kong, déposent une gerbe sur la stèle des Français Libres. Le geste est chargé de symboles car la frégate Aconit, dont le fanion arbore la croix de Lorraine des Forces Françaises Libres (FFL), porte le nom d’une corvette des Forces Navales Françaises Libres (FNFL), en opérations au côté de la Royal Navy pendant toute la guerre et célèbre pour avoir coulé deux sous-marins allemands le 11 mars 1943, à quelques heures de distance.
La tradition revit quand, les 18 juin 2007 et 2008, à l’occasion des escales du bâtiment de commandement et de ravitaillement BCR Var, navire accueillant l’amiral commandant la zone maritime de l’Océan Indien, une cérémonie de dépôt de gerbe est organisée le jour de l’Appel du 18 juin. Et la Marine Nationale, familière du port de Hong Kong depuis ses débuts, est également présente le 14 juillet 2007 quand les marins du Bagad Saint Mandrier, invités à Hong Kong pour la fête nationale, participent, au son de la cornemuse, à une cérémonie à la mémoire des Français Libres. Soixante ans après son inauguration, la stèle des Français Libres est redevenue un lieu de mémoire de la communauté française de Hong Kong.
- «Lieutenant Frédéric Marie Jocosta, né le 12 juin 1908, engagé volontaire le 8 décembre 1941, tué à North Point le 19 décembre 1941»: officier de liaison et chef du service de renseignement de la France Libre à Singapour, Frédéric Jocosta est de passage à Hong Kong en octobre 1941. Il rejoint le Corps des Volontaires dès le premier jour de l’invasion japonaise, lancée le lendemain de l’attaque de Pearl Harbour. Frédéric Jocosta est tué dans les combats des premières semaines, sur l’un des points d’appui britanniques de la défense de l’île de Hong Kong.
- «Soldat Armand Delcourt, A.S.C. né à Tournai le 4 mai 1899, engagé volontaire en juillet 1940, tué à Répulse Bay le 21 décembre 1941»: les archives précisent que «Monsieur Armand Delcourt, d’origine française mais belge de nationalité a trouvé la mort à Hong Kong dans des conditions particulièrement dramatiques». Le soldat Delcourt est en effet grièvement blessé de deux coups de baïonette à l’abdomen le 21 décembre. Deux jours plus tard, alors qu’il cherche un poste de secours pour se faire soigner, il est capturé par des soldats japonais à Repulse Bay, en même temps qu’une dizaine de soldats britanniques. Tous sont exécutés une demi-heure après leur capture d’une balle dans la nuque. Le consul de France, dans un mémoire de proposition pour décoration à titre posthume en date du 23 février 1947, précise au sujet d’Armand Delcourt : «faisant partie lui aussi malgré sa nationalité du mouvement de la France Libre et à ce titre s’était engagé dans le Corps des Volontaires».
- «Cannonier Pierre B.M. Mathieu, 2nd BTY, né à Marseille le 5 juillet 1911, engagé volontaire en juillet 1940, décédé à Sham Shui Po le 27 août 1943». Agent de la compagnie Optorg de Hong Kong, Pierre Mathieu rejoint la France Libre en 1941 et devient secrétaire de la section de Hong Kong. Incorporé dans le Corps des Volontaires, affecté à la Deuxième Batterie d’artillerie, il est fait prisonnier le 25 décembre 1941, dernier jour des combats, et se trouve interné à North Point puis à Stanley. C’est dans ce dernier camp, Sham Shui Po, qu’il meurt «électrocuté sur les fils de fer barbelés».
- «Captain J.B.E.R. Egal, H.K.V.D.C., né à Montclar d’Agenais le 6 mars 1892, décédé le 29 décembre 1947 à Hong Kong»: René Egal est l’ancien responsable de la France Libre à Shanghai et se trouve en transit à Hong Kong à l’ouverture des hostilités. Il rejoint le Corps des Volontaires de Hong Kong, comme capitaine, et fait partie du détachement chargé de la protection de l’usine électrique de l’île de Hong Kong. René Egal est fait prisonnier dans les premiers jours des combats et est interné au camp des officiers de Sam Shui Ho, à Kowloon. Un officier britannique, échappé de ce camp en 1944, fournit alors des nouvelles sur René Egal pendant sa période de captivité. En juillet 1944, Egal est «en bonne santé et a conservé un excellent moral. […] Il est assez convenablement traité et peut se procurer des vivres de l’extérieur. Il lui est permis de correspondre avec sa femme qui est professeur au collège municipal français de Shanghai». Libéré en 1945, René Egal reste à Hong Kong et ses années de captivité semblent l’avoir affaibli. Il décède en 1947 à l’âge de 54 ans.
Plusieurs années après son inauguration, la stèle est déplacée vers l’extrémité sud du cimetière de Stanley et la plaque est changée, comme le montre la comparaison des photos datant de 1948 et 2008. Deux noms sont aussi ajoutés à la liste initiale :
- «Henri Belle, décédé à Narume, près de Nagoya le 3 novembre 1944» : marin de la marine marchande, Henri Belle est en transit à Hong Kong lors de l’invasion japonaise, alors qu’il s’est porté volontaire pour rejoindre la France Libre. Il s’engage alors lui aussi dans le Corps des Volontaires et est fait prisonnier à l’issue des combats. Comme d’autres prisonniers occidentaux, Henri Belle est transféré vers un camp d’internement au Japon où il décède en 1944, sans que les causes du décès soient connues.
- «Paul de Roux, victime de la Kempetai, décédé à Hong Kong le 19 février 1944» : directeur de la Banque d’Indochine à Hong Kong, Paul de Roux prend part à la résistance contre les forces d’occupation japonaises. Arrêté et torturé par la police secrète japonaise, la Kempetai, il meurt le 19 février 1944. L’acte de décès dressé auprès des autorités britanniques le 13 avril 1950, sur témoignage de «M. Kwok Chan, compradore de la Banque de l’Indochine», mentionne «Unknown» pour la cause de la mort, indication «inconnue» reprise dans la transcription de cet acte de décès, inscrite au Consulat de France le 17 avril 1950.
Pendant une cinquantaine d’années, de 1948 à 1997, le Consulat de France et les attachés militaires qui y sont affectés, comme le lieutenant-colonel Jacques Guillermaz ou le capitaine Galula, participent régulièrement aux commémorations organisées au cimetière militaire de Stanley, les 11 novembre, 8 mai ou 18 juin. Après la rétrocession de 1997, les fonctions d’attachés militaires sont supprimées et la tradition semble se perdre. On peut cependant relever, il y a une dizaine d’années, la tenue d’une cérémonie franco-anglaise au cimetière militaire. Le 8 août 2000 en effet, le commandant de la frégate Aconit et celui de la frégate de la Royal Navy HMS Cornwall, toutes deux en escale à Hong Kong, déposent une gerbe sur la stèle des Français Libres. Le geste est chargé de symboles car la frégate Aconit, dont le fanion arbore la croix de Lorraine des Forces Françaises Libres (FFL), porte le nom d’une corvette des Forces Navales Françaises Libres (FNFL), en opérations au côté de la Royal Navy pendant toute la guerre et célèbre pour avoir coulé deux sous-marins allemands le 11 mars 1943, à quelques heures de distance.
La tradition revit quand, les 18 juin 2007 et 2008, à l’occasion des escales du bâtiment de commandement et de ravitaillement BCR Var, navire accueillant l’amiral commandant la zone maritime de l’Océan Indien, une cérémonie de dépôt de gerbe est organisée le jour de l’Appel du 18 juin. Et la Marine Nationale, familière du port de Hong Kong depuis ses débuts, est également présente le 14 juillet 2007 quand les marins du Bagad Saint Mandrier, invités à Hong Kong pour la fête nationale, participent, au son de la cornemuse, à une cérémonie à la mémoire des Français Libres. Soixante ans après son inauguration, la stèle des Français Libres est redevenue un lieu de mémoire de la communauté française de Hong Kong.
CR.
Sources : archives du ministère des Affaires étrangères, Paris, fonds Londres ; Archives du Consulat général de France à Hong Kong ; Evan Stewart, Hong Kong Volunteers in Battle, Ye Olde Printerie, Hong Kong, 1953.
Crédits photographiques : archives du ministère des Affaires étrangères, Paris - Consulat général de France à Hong Kong.
Crédits photographiques : archives du ministère des Affaires étrangères, Paris - Consulat général de France à Hong Kong.
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