La demande d’élévation du poste consulaire de Hong Kong de consulat à consulat général est récurrente à partir du début du siècle. En 1932, le consul expose un argumentaire détaillé, riche en informations sur l’état de la colonie et sur la présence française à l’époque.
La transformation d’un poste diplomatique de consulat à consulat général n’est jamais une décision prise à la légère, et il s’agit toujours d’une affaire suivie de près par les Etats concernés. Le pays qui décide d’ouvrir une telle représentation montre ainsi son intérêt pour la ville et sa volonté de développer les relations ; le pays d’accueil y voit une marque de reconnaissance… Il y a également un intérêt personnel et financier pour le consul affecté à une telle fonction. Les émoluments sont plus élevés dans un consulat général et du point de vue carrière, il est mieux pour un consul général d’obtenir un poste éponyme plutôt qu’un simple consulat.
Georges Dufaure de la Prade est dans ce cas, en 1932. Ce diplomate d’une cinquantaine d’années, ancien élève de l’Ecole des langues orientales vivantes, occupe des postes dans la région depuis 27 ans. Il a commencé à Séoul comme élève interprète, et gravit lentement mais sûrement les échelons de la carrière diplomatique : Canton, Hoi-How, Shanghai, Fou-Tchéou, Amoy, puis à nouveau Canton. Il est élevé au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1923 puis nommé consul général le 25 octobre 1930. A cette occasion, il est envoyé à Hong Kong, mais ce poste n’est qu’un consulat… et il ne touche donc pas tous les bénéfices de son nouveau grade administratif.
L’un de ses prédécesseurs, Gaston-Ernest Liebert (resté en poste 15 ans entre 1901 et 1916) avait multiplié les demandes de transformation du poste, en vain. Georges Dufaure de la Prade ne tarde pas lui aussi à se fendre d’une longue lettre, adressée «au ministre de France en Chine», l’équivalent de l’ambassadeur avant que les relations diplomatiques ne soient normalisées avec ce pays. Pour justifier l’importance de son poste, il dresse un précieux état des lieux de la colonie, de la communauté française et des intérêts de la France.
L’élévation du poste s’impose «tout d’abord en raison de l’importance de la colonie britannique à Hong Kong au point de vue économique et politique». Le consul général détaille longuement, avec force chiffres, les atouts de l’île. Base navale stratégique, carrefour commercial, centre politique, tout y passe pour donner à Hong Kong toute son importance. Le diplomate, qu’on sait féru de poésie, mêle souvent quelques envolées lyriques à sa prose consulaire ; il explique par exemple que Hong Kong est une terre d’asile et «constitue le hâvre par excellence, aussi accueillant aux navires qu’aux rescapés des tempêtes politiques qui sévissent sur le territoire voisin plus souvent que les typhons sur les mers de Chine ; faisant suite à un passé brillant et à avenir plus terne, plus terne uniquement parce qu’une éclipse de soleil obscurcit momentanément le firmament tout entier, déjà, s’entrouvrent, à l’horizon, lumineuses et infinies, les perspectives d’un avenir incomparable.»
Dufaure de la Prade est également un analyste pertinent. Sa vision du futur de Hong Kong est troublante d’actualité: «Aussitôt que la crise mondiale sera passée, et au fur et à mesure que la Chine se libérera des entraves […], et que les commerçants avisés chinois et étrangers, y fixeront, à l’abri des exactions et des désordres, le siège de leurs affaires, Hong Kong jouera un rôle décidément prépondérant en Extrême-Orient». D’ailleurs, il s’agit déjà à l’époque du 5e port de commerce au monde. Et le consul de renchérir à ce propos: «ses rivaux, New york, Hambourg, Anvers, Londres, et des ports moins importants comme Trieste ou Alexandrie sont tous dotés de consulats généraux français.»
Les intérêts de la France sont nombreux et méritent d’être mieux défendu selon le diplomate. Du point de vue démographique, il démontre qu’en faisant abstraction des Chinois et des Anglais qui sont chez eux, les Français sont la quatrième communauté derrière les Japonais, les Portugais et les Américains, «avec 227 personnes plus 78 Annamites.»
Pour ce qui concerne les affaires, «nous sommes les seuls, avec les Japonais, les Hollandais et les Américains à posséder des établissements de crédit». Et de citer la banque d’Indochine et la banque franco-chinoise pour l’industrie. «La Banque d’Indochine a su s’assurer une position de 1er ordre puisqu’elle est la 4e banque […] immédiatement après les trois banques anglaises de la place.» Deux lignes maritimes sont installées et les liaisons sont nombreuses avec l’Indochine, conférant à la France le 3e rang dans les mouvements commerciaux, et un 1/10 du chiffre global des transactions commerciales.
«Au point de vue moral, l’influence française s’exerce» à travers une longue liste d’institutions. «Un hôpital connu de la population uniquement sous la désignation de French hospital» vient en tête de l’énumération. Pensionnat, orphelinat, œuvres diverses des sœurs de Saint-Paul de Chartres, procure générale des Missions étrangères (avec son imprimerie et son sanatorium), collèges des Frères de la Doctrine Chrétienne… tout est ensuite passé en revue. Le consul se targue également «d’une bibliothèque de prêts de livres […] dans les bureaux du consulat avec près de 3000 volumes».
Dufaure de la Prade insiste sur un fait important. Le consulat de Hong Kong est une interface entre l’Indochine colonisée, la Chine est pleine ébullition et la base de la présence britannique dans la région. Les échantillons des produits de la colonie sont distribués à Hong Kong via le consulat, les Annamites révolutionnaires exilés sont surveillés, etc.
Pour enfoncer le clou, le consul part dans une série de remarques générales. «Toutes les grandes Nations, sauf l’Allemagne et la France, ont ici des consulats généraux» et il ajoute que les consuls généraux sont mieux considérés et traités par les autorités coloniales, «ils jouissent d’une plus grande faveur que les simples consuls». Et puis, «ici, passent en transit, de hauts fonctionnaires […], de hautes personnalités» que le consul aimerait recevoir avec une position digne de ce nom. Le problème financier est enfin abordé avec les réceptions et la tenue du rang «puisque, de toute vraisemblance, l’indemnité de fonctions se trouverait légèrement relevée.»
Malgré ces justifications, Dufaure de la Prade quitte son poste en 1934 sans avoir gain de cause pour la colonie britannique. Il est muté à Milan, et devient ministre plénipotentiaire avant d’être envoyé à Kaboul où il termine sa carrière. Avant la Seconde guerre mondiale, le poste n’a toujours pas changé de dénomination. Dans l’état actuel des recherches, il est supposé que le retour de la présence diplomatique française à Hong Kong, en 1946, est l’occasion du passage de consulat à consulat général.
La transformation d’un poste diplomatique de consulat à consulat général n’est jamais une décision prise à la légère, et il s’agit toujours d’une affaire suivie de près par les Etats concernés. Le pays qui décide d’ouvrir une telle représentation montre ainsi son intérêt pour la ville et sa volonté de développer les relations ; le pays d’accueil y voit une marque de reconnaissance… Il y a également un intérêt personnel et financier pour le consul affecté à une telle fonction. Les émoluments sont plus élevés dans un consulat général et du point de vue carrière, il est mieux pour un consul général d’obtenir un poste éponyme plutôt qu’un simple consulat.
Georges Dufaure de la Prade est dans ce cas, en 1932. Ce diplomate d’une cinquantaine d’années, ancien élève de l’Ecole des langues orientales vivantes, occupe des postes dans la région depuis 27 ans. Il a commencé à Séoul comme élève interprète, et gravit lentement mais sûrement les échelons de la carrière diplomatique : Canton, Hoi-How, Shanghai, Fou-Tchéou, Amoy, puis à nouveau Canton. Il est élevé au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1923 puis nommé consul général le 25 octobre 1930. A cette occasion, il est envoyé à Hong Kong, mais ce poste n’est qu’un consulat… et il ne touche donc pas tous les bénéfices de son nouveau grade administratif.
L’un de ses prédécesseurs, Gaston-Ernest Liebert (resté en poste 15 ans entre 1901 et 1916) avait multiplié les demandes de transformation du poste, en vain. Georges Dufaure de la Prade ne tarde pas lui aussi à se fendre d’une longue lettre, adressée «au ministre de France en Chine», l’équivalent de l’ambassadeur avant que les relations diplomatiques ne soient normalisées avec ce pays. Pour justifier l’importance de son poste, il dresse un précieux état des lieux de la colonie, de la communauté française et des intérêts de la France.
L’élévation du poste s’impose «tout d’abord en raison de l’importance de la colonie britannique à Hong Kong au point de vue économique et politique». Le consul général détaille longuement, avec force chiffres, les atouts de l’île. Base navale stratégique, carrefour commercial, centre politique, tout y passe pour donner à Hong Kong toute son importance. Le diplomate, qu’on sait féru de poésie, mêle souvent quelques envolées lyriques à sa prose consulaire ; il explique par exemple que Hong Kong est une terre d’asile et «constitue le hâvre par excellence, aussi accueillant aux navires qu’aux rescapés des tempêtes politiques qui sévissent sur le territoire voisin plus souvent que les typhons sur les mers de Chine ; faisant suite à un passé brillant et à avenir plus terne, plus terne uniquement parce qu’une éclipse de soleil obscurcit momentanément le firmament tout entier, déjà, s’entrouvrent, à l’horizon, lumineuses et infinies, les perspectives d’un avenir incomparable.»
Dufaure de la Prade est également un analyste pertinent. Sa vision du futur de Hong Kong est troublante d’actualité: «Aussitôt que la crise mondiale sera passée, et au fur et à mesure que la Chine se libérera des entraves […], et que les commerçants avisés chinois et étrangers, y fixeront, à l’abri des exactions et des désordres, le siège de leurs affaires, Hong Kong jouera un rôle décidément prépondérant en Extrême-Orient». D’ailleurs, il s’agit déjà à l’époque du 5e port de commerce au monde. Et le consul de renchérir à ce propos: «ses rivaux, New york, Hambourg, Anvers, Londres, et des ports moins importants comme Trieste ou Alexandrie sont tous dotés de consulats généraux français.»
Les intérêts de la France sont nombreux et méritent d’être mieux défendu selon le diplomate. Du point de vue démographique, il démontre qu’en faisant abstraction des Chinois et des Anglais qui sont chez eux, les Français sont la quatrième communauté derrière les Japonais, les Portugais et les Américains, «avec 227 personnes plus 78 Annamites.»
Pour ce qui concerne les affaires, «nous sommes les seuls, avec les Japonais, les Hollandais et les Américains à posséder des établissements de crédit». Et de citer la banque d’Indochine et la banque franco-chinoise pour l’industrie. «La Banque d’Indochine a su s’assurer une position de 1er ordre puisqu’elle est la 4e banque […] immédiatement après les trois banques anglaises de la place.» Deux lignes maritimes sont installées et les liaisons sont nombreuses avec l’Indochine, conférant à la France le 3e rang dans les mouvements commerciaux, et un 1/10 du chiffre global des transactions commerciales.
«Au point de vue moral, l’influence française s’exerce» à travers une longue liste d’institutions. «Un hôpital connu de la population uniquement sous la désignation de French hospital» vient en tête de l’énumération. Pensionnat, orphelinat, œuvres diverses des sœurs de Saint-Paul de Chartres, procure générale des Missions étrangères (avec son imprimerie et son sanatorium), collèges des Frères de la Doctrine Chrétienne… tout est ensuite passé en revue. Le consul se targue également «d’une bibliothèque de prêts de livres […] dans les bureaux du consulat avec près de 3000 volumes».
Dufaure de la Prade insiste sur un fait important. Le consulat de Hong Kong est une interface entre l’Indochine colonisée, la Chine est pleine ébullition et la base de la présence britannique dans la région. Les échantillons des produits de la colonie sont distribués à Hong Kong via le consulat, les Annamites révolutionnaires exilés sont surveillés, etc.
Pour enfoncer le clou, le consul part dans une série de remarques générales. «Toutes les grandes Nations, sauf l’Allemagne et la France, ont ici des consulats généraux» et il ajoute que les consuls généraux sont mieux considérés et traités par les autorités coloniales, «ils jouissent d’une plus grande faveur que les simples consuls». Et puis, «ici, passent en transit, de hauts fonctionnaires […], de hautes personnalités» que le consul aimerait recevoir avec une position digne de ce nom. Le problème financier est enfin abordé avec les réceptions et la tenue du rang «puisque, de toute vraisemblance, l’indemnité de fonctions se trouverait légèrement relevée.»
Malgré ces justifications, Dufaure de la Prade quitte son poste en 1934 sans avoir gain de cause pour la colonie britannique. Il est muté à Milan, et devient ministre plénipotentiaire avant d’être envoyé à Kaboul où il termine sa carrière. Avant la Seconde guerre mondiale, le poste n’a toujours pas changé de dénomination. Dans l’état actuel des recherches, il est supposé que le retour de la présence diplomatique française à Hong Kong, en 1946, est l’occasion du passage de consulat à consulat général.
FD.
Sources : archives du ministère des affaires étrangères de Nantes.
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