De 1909 à 1913, Victor Segalen effectue le premier de ses trois séjours en Chine. Parti pour perfectionner sa connaissance de la langue chinoise, il saisit l’occasion dont il rêvait de s’établir dans le pays en acceptant en janvier 1911 un poste de professeur à l’Ecole de médecine de Tiensin. Il ne retournera en France qu’en juillet 1913.
Le 25 avril 1909, Victor Segalen s’embarque à Marseille pour la Chine à bord du «Sydney». Il laisse en France sa femme, Yvonne («Mavone») et leur fils Yvon, né en 1906, qui le rejoindront plus tard. Depuis 1908, Segalen s’est mis à l’étude du chinois et, reçu à son examen d’élève-interprête de la Marine, obtient une nomination en Chine pour se perfectionner dans l’étude de la langue chinoise. Tout au long de la traversée, il adresse à Mavone de nombreuses lettres mêlant impressions, descriptions et conseils pratiques pour son voyage prochain.Le «Sydney» accoste à Hong-Kong le 25 mai, de nuit sous des «torrents d’eau». Dès le lendemain, Segalen adresse à son épouse une longue lettre où il mentionne sa rencontre avec M. Jasson, directeur des postes françaises à Hankéou, qui l’assure de la régularité des postes dans le pays, et où il lui fait part de son émerveillement à ce premier contact avec la Chine:
«Hong-Kong est une chose splendide. Première vision de Chine, car ces monts hautains, aux lignes élégantes et nobles, drapés de brousse verte voilée parfois à mi-seins de collines de l’ombre de nuages, cela, c’est de la terre chinoise, malgré la possession anglaise. J’avoue cependant que ces possesseurs en ont tiré un splendide parti.
Arrivée absurde dans la nuit. Nuages, nuées et pluies sur la côte. Mon compagnon de table et d’escale, le jeune Espagnol de Manille, me pilote aimablement. Mais quel «pittoresque!» L’adjectif, banal, est le mieux placé du monde. Hauteurs, amphithéâtres de ruelles, de nations, boutiques, masses vertes mouillées, enseignes, couleurs, soleils et nues dans l’ingéniosité anglaise. Inévitable ascension funiculaire au Peak. Mais vue sur une mer de brume seulement.
Les sampans sont des maisons de famille flottantes. Tout en déménageant leur passager du paquebot à terre, ils se livrent aux occupations sociales les plus diverses, hormis celle qui consisterait à augmenter une famille déjà surabondante : le père, à l’avant, tire sur un aviron ; la femme godille et gouverne à l’arrière ; et, pendu sur son propre arrière, à elle, un dernier- né sommeille aux mouvements qu’elle fait pour pousser le bateau. Entre les deux, homme et femme, toute une nichée du diamètre d’Yvon, dont les uns dorment, les autres rament, ou amènent la voile, ou mangent ou… ou se battent. Ce sont de bien braves gens le jour et de jolis pirates la nuit. Ils ont fait, jusqu’à ces derniers temps disparaître plus d’un passager, ou plus d’un bateau sur lequel ils s’embarquaient comme passagers ; et ils ont donné quelques filaments à retordre aux Anglais. Maintenant encore, on ne s’embarque pas de nuit dans un de ces sampans sans qu’un policeman hindou en prenne le numéro : pour retrouver ensuite les coupables, en cas d’avarie du passager, ou même de noyade assez provoquée…
Départ à 4 h. Beauté de la passe de l’Est. Comme un beau fruit mûr dont on palpe amoureusement les contours, notre marche lente mais certaine entoure d’un sillage distant la globuleuse Chine dont je vais si goulûment presser le jus!»
Arrivé le 12 juin à Pékin, Segalen y attend jusqu’au début juillet Auguste Gilbert de Voisins, son compagnon d’expédition. Tous deux quittent la capitale le 9 août pour un grand voyage dans l’ouest de la Chine. Ils arrivent à Chengdu le 6 décembre et y sont accueillis par le consul général de France, Pierre Bons d’Anty. Après avoir descendu le Yangtsé, ils atteignent Shangaï le 28 janvier 1910. Début février, Segalen et Voisins s’embarquent pour le Japon et visitent Nagasaky, Kobé, Osaka, Kyoto et Tokyo. Le 27 février, de retour à Hong-Kong, Victor Segalen y retrouve Mavone et Yvon.
«Hong-Kong est une chose splendide. Première vision de Chine, car ces monts hautains, aux lignes élégantes et nobles, drapés de brousse verte voilée parfois à mi-seins de collines de l’ombre de nuages, cela, c’est de la terre chinoise, malgré la possession anglaise. J’avoue cependant que ces possesseurs en ont tiré un splendide parti.
Arrivée absurde dans la nuit. Nuages, nuées et pluies sur la côte. Mon compagnon de table et d’escale, le jeune Espagnol de Manille, me pilote aimablement. Mais quel «pittoresque!» L’adjectif, banal, est le mieux placé du monde. Hauteurs, amphithéâtres de ruelles, de nations, boutiques, masses vertes mouillées, enseignes, couleurs, soleils et nues dans l’ingéniosité anglaise. Inévitable ascension funiculaire au Peak. Mais vue sur une mer de brume seulement.
Les sampans sont des maisons de famille flottantes. Tout en déménageant leur passager du paquebot à terre, ils se livrent aux occupations sociales les plus diverses, hormis celle qui consisterait à augmenter une famille déjà surabondante : le père, à l’avant, tire sur un aviron ; la femme godille et gouverne à l’arrière ; et, pendu sur son propre arrière, à elle, un dernier- né sommeille aux mouvements qu’elle fait pour pousser le bateau. Entre les deux, homme et femme, toute une nichée du diamètre d’Yvon, dont les uns dorment, les autres rament, ou amènent la voile, ou mangent ou… ou se battent. Ce sont de bien braves gens le jour et de jolis pirates la nuit. Ils ont fait, jusqu’à ces derniers temps disparaître plus d’un passager, ou plus d’un bateau sur lequel ils s’embarquaient comme passagers ; et ils ont donné quelques filaments à retordre aux Anglais. Maintenant encore, on ne s’embarque pas de nuit dans un de ces sampans sans qu’un policeman hindou en prenne le numéro : pour retrouver ensuite les coupables, en cas d’avarie du passager, ou même de noyade assez provoquée…
Départ à 4 h. Beauté de la passe de l’Est. Comme un beau fruit mûr dont on palpe amoureusement les contours, notre marche lente mais certaine entoure d’un sillage distant la globuleuse Chine dont je vais si goulûment presser le jus!»
Arrivé le 12 juin à Pékin, Segalen y attend jusqu’au début juillet Auguste Gilbert de Voisins, son compagnon d’expédition. Tous deux quittent la capitale le 9 août pour un grand voyage dans l’ouest de la Chine. Ils arrivent à Chengdu le 6 décembre et y sont accueillis par le consul général de France, Pierre Bons d’Anty. Après avoir descendu le Yangtsé, ils atteignent Shangaï le 28 janvier 1910. Début février, Segalen et Voisins s’embarquent pour le Japon et visitent Nagasaky, Kobé, Osaka, Kyoto et Tokyo. Le 27 février, de retour à Hong-Kong, Victor Segalen y retrouve Mavone et Yvon.
DVR.
Sources : Segalen (Victor), Lettres de Chine. Paris, Plon, 1967 ; Segalen (Victor), Œuvres complètes, Paris, Robert Laffont, 1995 ; Victor Segalen, Paris, Les Cahiers de l’Herne, 1998 ;
Dumasy (Jacques), La France et le Sichuan, un regard centenaire, Chengdu, Consulat général de France, 2007. Crédits photographiques : archives du ministère des Affaires étrangères, Paris; http://www.patrimoine.combrit-saintemarine.fr
Dumasy (Jacques), La France et le Sichuan, un regard centenaire, Chengdu, Consulat général de France, 2007. Crédits photographiques : archives du ministère des Affaires étrangères, Paris; http://www.patrimoine.combrit-saintemarine.fr
1 commentaire:
bravo
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