lundi 6 octobre 2008

Les tribulations de Léon Pagès, aspirant diplomatique

En 1849, Léon Pagès, jeune diplomate français en poste à la légation de France à Canton, se rend à Hong Kong en compagnie d’un diplomate espagnol, M. Orenze, tous deux en charge de documents officiels. Leur bateau est assailli par des pirates, danger à l’époque endémique dans la région du delta de la rivière des Perles. Si Léon Pagès survit par chance à l’assaut, le diplomate espagnol disparaît en revanche au cours de ce drame.
Le 18 mars 1849, le jeune Léon Pagès, nommé par décret du 7 décembre 1846 «aspirant diplomatique» à Canton, touche au terme de son voyage à bord de L’Achille et débarque à Hong Kong, chargé de la malle française, ancêtre de ce qui est appelé de nos jours la valise diplomatique. Il en repart la nuit suivante sur la lorcha portugaise n°33, qui fait le trajet entre Hong Kong et Macao, en compagnie de M. Orenze, diplomate espagnol, porteur des dépêches destinées au représentant de Sa Majesté catholique en Chine.
«Vers le minuit», leur embarcation est cernée par trois jonques de pirates chinois «qui la surprennent, l’attaquent et enlèvent tout ce qui se trouve à bord». Il faut ici laisser la parole à la malheureuse victime de cet odieux attentat :
«MM. Pagès et Orenze sont aveuglés, brûlés et étouffés par des pièces d’artifice jetées à profusion dans leur étroite cabine. Armés de lances, les pirates se précipitent sur eux pour les massacrer, M. Pagès lutte énergiquement, il parvient à désarmer l’un de ces brigands, combat pour défendre sa vie, celle de son compagnon et pour sauver, s’il est possible, les dépêches du gouvernement. Toute résistance est inutile et, accablé par le nombre, M. Pagès ne doit son salut qu’à un moyen extrême et d’autant plus désespéré qu’il ne savait nullement nager. Il se précipite dans la mer, est assez heureux pour saisir une corde dans sa chute et reste ainsi plongé dans l’eau et se tenant à cette amarre jusqu’à ce que les pirates aient achevé de piller le bâtiment et se soient retirés. Quand il peut remonter à bord, nulle trace de sang ne s’y remarquait et comme M. Orenze avait disparu dans la lutte et qu’il ne savait pas nager, on n’est que trop porté à croire qu’il a péri en se jetant à la mer, à moins qu’il n’ait été emmené par les pirates dans l’espoir d’obtenir pour sa reddition une riche rançon, comme ils ne font que trop souvent».L’heureux survivant reçoit «à Hong Kong dans son malheur des preuves d’un vif intérêt». Il est recueilli par le navire La Bayonnaise qui, de janvier à février 1849, navigue en mer de Chine pour visiter les ports de Chine ouverts au commerce européen. A son bord se trouve Forth-Rouen, chargé d’affaires en Chine et chef de la légation de France à Canton. C’est lui qui, le 15 juillet 1848, a recommandé au ministère des Affaires étrangères de nommer un agent consulaire à Hong Kong. «Le commandant de La Bayonnaise, à peine arrivé de notre voyage fatiguant dans le Nord, a de nouveau levé l’ancre pour aller prendre M. Pagès et lui offrir les secours des médecins du bord».
Les malheureux Pagès et Orenze sont les premières victimes des pirates chinois depuis l’ouverture de la légation : «[…] un de ces crimes, s’indigne Fort-Rouen, qui, réprouvés et flétris par le code de toutes les nations, fait comme frémir d’indignation toute la nation française en Chine». Le forfait des pirates chinois eut les honneurs d’une mention dans le Journal des débats du 26 mai 1849.
C.R.
Source : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris, DVR. Crédit photographique : HKMM.

Aucun commentaire: