Pour en savoir plus sur l'ouvrage "Hong Kong, présences françaises",
rendez-vous désormais sur http://www.facebook.com/HongKongPresencesFrancaises
Actualités, contenus inédits, invitations à différents événements...
lundi 25 mars 2013
samedi 6 octobre 2012
Lancement officiel
C'est parti! L'ouvrage Hong Kong, présences françaises a officiellement été lancé hier soir, en présence de Carrie Lam, "Chief Secretary" de Hong Kong, et Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée aux Français de l'étranger.
dimanche 23 septembre 2012
Sortie de la version française, le 5 octobre
C'est officiel, l'ouvrage Hong Kong, présences françaises sortira à Hong Kong le vendredi 5 octobre.
Il faudra attendre trois semaines pour le voir dans les librairies françaises.
La version anglaise est prévue pour fin octobre.
Pour en savoir plus:
http://consulfrance-hongkong.org/150e-anniversaire-des-relations
Il faudra attendre trois semaines pour le voir dans les librairies françaises.
La version anglaise est prévue pour fin octobre.
Pour en savoir plus:
http://consulfrance-hongkong.org/150e-anniversaire-des-relations
mercredi 25 juillet 2012
Bientôt chez votre libraire...
Notre ouvrage sur l'histoire de la présence française à Hong Kong sera publié à la fin du mois de septembre! Il sera disponible dans les librairies de Hong Kong début octobre, puis en France début novembre...
samedi 22 octobre 2011
Un livre en septembre 2012!
Ce blog deviendra bientôt un livre... Le projet de commémoration de 2007 a permis de soulever des aspects méconnus de la présence française à Hong Kong. Ce site a contribué à faire resurgir des archives et des sources jusqu'alors insoupçonnées... Les articles déjà écrits ont été révisés, enrichis et augmentés; beaucoup d'autres, inédits, sont venus étoffer la matière d'une histoire riche et mouvementée; le comité de rédaction s'est agrandi avec de nouveaux venus, spécialistes et amateurs éclairés de l'histoire de Hong Kong.
Rendez-vous en septembre 2012, dans toutes les librairies de Hong Kong et les libraires spécialisées de France, pour le lancement de ce livre...
Rendez-vous en septembre 2012, dans toutes les librairies de Hong Kong et les libraires spécialisées de France, pour le lancement de ce livre...
lundi 25 mai 2009
Le marquis de Moges : souvenirs d’une ambassade en 1857
Alfred de Moges est célèbre pour son récit de voyage au Japon, alors qu’il accompagnait, en 1858, la mission diplomatique du baron Gros dans cet empire relativement oublié des Occidentaux. L’année précédente, il a parcouru la Chine et a laissé quelques pages sur son passage à Hong Kong.
«Souvenirs d’une ambassade en Chine et au Japon», tel est le nom de l’ouvrage que la marquis de Moges rapporte de son périple de deux ans en Extrême-Orient. Publié en 1860, cette relation de voyage est un relativement sèche et comporte peu de longues descriptions. Le marquis prend plus de plaisir à évoquer les mondanités et, par ce biais, à marquer son soutien au régime de Napoléon III dont il est un fervent défenseur. On retient également davantage les passages qui concernent le Japon, car sa mission, dirigée par le baron Gros, conduit à la signature du premier traité d’amitié et de commerce entre la France et le Japon.
La Chine est pourtant un aspect important de la mission et du livre qui en découle… et Hong Kong en est une étape incontournable. Le marquis de Moges arrive près des côtes de la jeune colonie britannique en octobre 1857, à bord de la frégate «l’Audacieuse». La première escale de l’ambassade a lieu à Macao, pour rencontrer le ministre de France Bourboulon ; mais, signe du déclin de la colonie portugaise et des temps qui change, l’essentiel de la visite se poursuit à Hong Kong.
Le voyageur attache beaucoup d’importance au protocole ; les premières impressions sur le paysage sont donc peu importantes, en revanche, il note immédiatement que le baron Gros est salué «de dix-neuf coups de canon par l’amiral Seymour et par une frégate anglaise, une corvette américaine et une corvette hollandaise». Il s’en suit une longue conférence avec Lord Elgin, son homologue anglais, puis un accueil cordial et empressé du gouverneur Bowring. Là encore, les coups de canons amicaux sont comptés et la présence de la garnison au garde à vous sur la route qui mène à la résidence du gouverneur sont autant de détails que le marquis apprécie. Banquets et réceptions se succèdent : les mondanités vont bon train.
Au cours des cinq jours d’escales qui suivent, le diplomate commence à se fendre de quelques commentaires. «Nous parcourons en tous sens cet admirable arsenal de la puissance anglaise dans l’extrême Orient». Après un rapide historique, le marquis avoue : «quinze années ont suffi au génie colonisateur de la Grande-Bretagne pour opérer cette merveille et pour faire de ce lieu, inconnu jusque là, le port le plus fréquenté de ces mers.» Ce qui étonne davantage l’observateur, c’est l’omniprésence du personnel chinois et hindou, en relation avec le manque d’escorte ou de protection des Britanniques, alors que ces nations sont en guerre contre l’Angleterre et que la tête du gouverneur est mise à prix. On apprend cependant que la Compagnie des Indes finance une partie de l’arsenal et des navires présents à Hong Kong, au cas où…
L’ambassade assiste à une représentation théâtrale de «sing-song». «Le spectacle commence à huit heures du matin et dure jusqu’à huit heures du soir, sans que jamais la scène reste vide un seul instant. Des héros de toutes sortes, des génies, des dieux y prennent place, et s’y livrent aux combats les plus fabuleux. Rien n’égale la pantomime des acteurs chinois et le luxe des costumes, tous éclatants d’or et de soie.» La musique et le ton sont déconcertants, et une fois la surprise et la curiosité passés, «le pauvre Européen égaré en ces lieux demande grâce et s’enfuit».
Une visite est rendue aux Pères des Missions Etrangères et aux sœurs de Saint-Paul de Chartres. Le Marquis souligne qu’il y a 4000 catholiques à Hong Kong et explique l’apostolat des missionnaires envoyés un peu partout depuis la colonie, avec cette amusante conclusion: «les pauvres, perdus dans l’intérieur de l’Asie, ne sont en communication qu’une fois par an avec l’Europe et le monde civilisé. Quelle affreuse séquestration!» Après une visite du collège des missions sur la montagne, Alfred de Moges descend vers «la vallée heureuse», dont il apprend que le nom vient des trois cimetières tout autour. Le champ de course existe déjà, entretenu chaque jour «comme dans les parcs anglais».
D’autres affaires plus sérieuses animent au même moment l’ambassade. Le baron Gros prépare une offensive contre «l’orgueilleux vice-roi des deux Kwangs» à Canton. Cette opération est pensée en concertation avec les Anglais qui désirent également en découdre avec leur voisin. Les manigances sont nombreuses et Hong Kong apparaît donc comme une plate-forme pour la diplomatie en extrême-Orient : le marquis scrute avec précision les autres ambassades. Il est méfiant à l’égard du comte Poutiatine, l’émissaire de Russie, vétéran de la guerre de Crimée et qui protège maintenant les intérêts russes en Chine. Reed est envoyé par les Etats-Unis et bénéficie d’un regard plus clément car sa mission se cantonne à de l’observation. Il ne menace en rien les intérêts français.
Au terme de son séjour, Alfred de Moges tire les conclusions qui s’imposent: «Hong Kong représente l’avenir et le mouvement commercial ; Macao est la ville du calme et du passé. Le temps n’est plus où les intrépides navigateurs portugais étaient les dominateurs de ces mers.»
La Chine est pourtant un aspect important de la mission et du livre qui en découle… et Hong Kong en est une étape incontournable. Le marquis de Moges arrive près des côtes de la jeune colonie britannique en octobre 1857, à bord de la frégate «l’Audacieuse». La première escale de l’ambassade a lieu à Macao, pour rencontrer le ministre de France Bourboulon ; mais, signe du déclin de la colonie portugaise et des temps qui change, l’essentiel de la visite se poursuit à Hong Kong.
Le voyageur attache beaucoup d’importance au protocole ; les premières impressions sur le paysage sont donc peu importantes, en revanche, il note immédiatement que le baron Gros est salué «de dix-neuf coups de canon par l’amiral Seymour et par une frégate anglaise, une corvette américaine et une corvette hollandaise». Il s’en suit une longue conférence avec Lord Elgin, son homologue anglais, puis un accueil cordial et empressé du gouverneur Bowring. Là encore, les coups de canons amicaux sont comptés et la présence de la garnison au garde à vous sur la route qui mène à la résidence du gouverneur sont autant de détails que le marquis apprécie. Banquets et réceptions se succèdent : les mondanités vont bon train.
Au cours des cinq jours d’escales qui suivent, le diplomate commence à se fendre de quelques commentaires. «Nous parcourons en tous sens cet admirable arsenal de la puissance anglaise dans l’extrême Orient». Après un rapide historique, le marquis avoue : «quinze années ont suffi au génie colonisateur de la Grande-Bretagne pour opérer cette merveille et pour faire de ce lieu, inconnu jusque là, le port le plus fréquenté de ces mers.» Ce qui étonne davantage l’observateur, c’est l’omniprésence du personnel chinois et hindou, en relation avec le manque d’escorte ou de protection des Britanniques, alors que ces nations sont en guerre contre l’Angleterre et que la tête du gouverneur est mise à prix. On apprend cependant que la Compagnie des Indes finance une partie de l’arsenal et des navires présents à Hong Kong, au cas où…
L’ambassade assiste à une représentation théâtrale de «sing-song». «Le spectacle commence à huit heures du matin et dure jusqu’à huit heures du soir, sans que jamais la scène reste vide un seul instant. Des héros de toutes sortes, des génies, des dieux y prennent place, et s’y livrent aux combats les plus fabuleux. Rien n’égale la pantomime des acteurs chinois et le luxe des costumes, tous éclatants d’or et de soie.» La musique et le ton sont déconcertants, et une fois la surprise et la curiosité passés, «le pauvre Européen égaré en ces lieux demande grâce et s’enfuit».
Une visite est rendue aux Pères des Missions Etrangères et aux sœurs de Saint-Paul de Chartres. Le Marquis souligne qu’il y a 4000 catholiques à Hong Kong et explique l’apostolat des missionnaires envoyés un peu partout depuis la colonie, avec cette amusante conclusion: «les pauvres, perdus dans l’intérieur de l’Asie, ne sont en communication qu’une fois par an avec l’Europe et le monde civilisé. Quelle affreuse séquestration!» Après une visite du collège des missions sur la montagne, Alfred de Moges descend vers «la vallée heureuse», dont il apprend que le nom vient des trois cimetières tout autour. Le champ de course existe déjà, entretenu chaque jour «comme dans les parcs anglais».
D’autres affaires plus sérieuses animent au même moment l’ambassade. Le baron Gros prépare une offensive contre «l’orgueilleux vice-roi des deux Kwangs» à Canton. Cette opération est pensée en concertation avec les Anglais qui désirent également en découdre avec leur voisin. Les manigances sont nombreuses et Hong Kong apparaît donc comme une plate-forme pour la diplomatie en extrême-Orient : le marquis scrute avec précision les autres ambassades. Il est méfiant à l’égard du comte Poutiatine, l’émissaire de Russie, vétéran de la guerre de Crimée et qui protège maintenant les intérêts russes en Chine. Reed est envoyé par les Etats-Unis et bénéficie d’un regard plus clément car sa mission se cantonne à de l’observation. Il ne menace en rien les intérêts français.
Au terme de son séjour, Alfred de Moges tire les conclusions qui s’imposent: «Hong Kong représente l’avenir et le mouvement commercial ; Macao est la ville du calme et du passé. Le temps n’est plus où les intrépides navigateurs portugais étaient les dominateurs de ces mers.»
FD.
Sources et crédits photographiques : Alfred de MOGES, Souvenirs d’une ambassade en Chine et au Japon en 1857 et 1858, Paris, Hachette, 1860.
Remerciements à M. Yves Azémar et son inépuisable librairie d'ouvrages anciens sur l'Asie, 89 Hollywood road - Hong Kong.
Remerciements à M. Yves Azémar et son inépuisable librairie d'ouvrages anciens sur l'Asie, 89 Hollywood road - Hong Kong.
lundi 11 mai 2009
Andrée Viollis grand reporter à Hong Kong
En 1931-1932, la journaliste Andrée Viollis effectue une série de reportages sur les événements dramatiques que traverse la Chine: occupation de la Mandchourie par les Japonais, émeutes d’étudiants appelant à la résistance, boycott anti-japonais et incertitudes politiques au sein du Kuomintang. Même si la colonie anglaise est à l’écart de ces violences, la journaliste n’en ressent pas moins, comme d’autres voyageurs occidentaux, la communauté chinoise comme une menace potentielle.
Figure célèbre du journalisme engagé, Andrée Viollis (1870-1950) a enquêté sur l’URSS en 1927, la guerre civile afghane en 1929 et publié L’Inde contre les Anglais en 1930. En 1935 elle fera paraître Indochine SOS, préfacé par André Malraux, pour dénoncer les abus de l’administration coloniale. Malraux voit dans Andrée Viollis une représentante de ce «nouveau journalisme» dont le but n’est plus «[…] de chercher des personnages mais des choses.» Andrée Viollis est alors une des très rares femmes grands reporters.
De décembre 1931 à mars 1932, la journaliste «couvre» les événements de Chine pour le Petit Parisien. En route vers Shanghaï, elle arrive à Hong-Kong à la fin de l’année: «Du coup, j’en oublie la Chine, car c’est un spectacle prodigieux. Jamais autant que dans la conquête de ce roc l’Angleterre n’a montré sa puissance et sa tenace énergie. En haut, la ville de plaisance en mosaïque avec ses blancs palais dans des parcs; en bas, la ville du travail et des affaires. Celle-ci entasse sur une largeur de moins de 600 mètres de la base du rocher au port, ses monuments, ses squares, ses pelouses où veillent les mêmes tristes statues de souverains qu’à Londres, affublés des mêmes falbalas de bronze. Elle aligne le long des rues et des quais ses banques, ses maisons de commerce, ses magasins aux noms orgueilleux, les mêmes qui sonnent à travers tout l’Empire […]».
Ne pouvant visiter les magasins fermés le samedi, elle assiste à une séance de cinéma. Si le décor de la salle l’étonne par son luxe, elle est surtout sensible à la séparation de fait des deux communautés: «Des familles en foule y pénètrent, s’y pressent, s’y prélassent : familles anglaises, les pères épanouis, pipe de bruyère dans un visage de jambon cru, bien plantés sur de vastes chaussures en cuir jaune, les mères maigres et anxieuses, couvant du regard des enfants vigoureux, cheveux de paille sous la casquette de club ou d’école ; familles chinoises, pères à la longue nuque, étalant leur bedaine dans la longue robe noire ou le costume européen ; fines jeunes filles maniérées, aux brillants cheveux courts, aux joues safranées et fardées, onduleuses dans des tuniques de soie claire les gainant étroitement des oreilles aux hanches ; garçons extraordinairement élégants, têtes laquées de noir, vestons sobres et lunettes d’écaille. Tout ce monde est paré, joyeux. Les groupes anglais échangent des signes, les groupes chinois s’interpellent. On cause, on plaisante, on rit. Mais entre Anglais et Chinois, aucun contact, nul mélange. Assis côte à côte, ils demeurent lointains, impénétrables, groupés dans cette salle par îlots qu’aucun courant ne relie.»
Sa soirée est consacrée à la ville chinoise: «Elle est immense, éclatante et pourtant mystérieuse […] Ce sont des gouffres d’aveuglante clarté, d’assourdissant et inquiétant tumulte. Tous les magasins sont grands ouverts. Partout des hommes penchés tapent sur le fer, scient ou sculptent le bois, déroulent des étoffes, taillent ou brodent le cuir. Quand dorment-ils? Ils travaillent, travaillent sans trêve, la nuit autant que le jour. […] Quelle foule! Ce n’est plus la glissante mollesse orientale de l’Inde mais des gens aux épaules robustes, à l’allure virile, au pas ferme. Dans les durs visages aux méplats nets, ce n’est pas non plus la fuite sournoise du regard annamite, de l’Annamite qui se considère comme un esclave, mais un œil hardi, aigu qui vous scrute et vous toise sans crainte ni aménité.[…] Tout à coup, un groupe se forme et grossit autour d’une affiche fraîchement collée: sous de grands caractères chinois de couleur rouge, un dessin représente deux petits soldats japonais, l’un avec un fusil, l’autre avec une baïonnette, s’élançant vers un colosse chinois qui attend leur choc, droit et méprisant, son grand sabre courbé au poing […] Et je songe soudain que dans cette ville de Hong-Kong, ils sont un million de Chinois contre une poignée d’Européens qui sont venus s’installer chez eux.»
Comme Marc Chadourne, autre journaliste célèbre, qui passe lui-aussi par Hong-Kong en 1931, elle perçoit la communauté chinoise comme une menace latente qui lui rappelle les propos d’un diplomate chinois à la Conférence de la Paix en 1919: «[…] Savez-vous que sur quatre hommes il y a toujours un Chinois? Savez-vous que nous sommes quatre cents millions, le quart de l’humanité? Quatre cents millions en 1919, quatre cents cinquante millions aujourd’hui! Ces chiffres que je voyais alors d’une façon abstraite, avec quelle terrible éloquence ils m’apparaissaient ce soir-là, perdue que j’étais dans la multitude agitée de cette grande ville effrayante de tumulte et d’éclat!»
Cette méfiance, elle ne la ressent pas lors d’une brève visite à Canton: «Comme à Hong-Kong, cinémas, théâtres, restaurants, piaillements, musiques, claquements sonores des socques de bois sur les pavés. Mais cependant, chose étrange, aucune animosité dans les regards et, cependant, je ne rencontre pas un seul Européen.»
Début janvier, elle se rend à Shanghaï et est témoin des combats sanglants de janvier-février opposant troupes chinoises et japonaises autour du quartier de Chapeî. A la mi-mars, voulant poursuivre son enquête sur les «réactions des événements de Mandchourie et de Shanghaï», elle s’embarque pour le Japon.
De décembre 1931 à mars 1932, la journaliste «couvre» les événements de Chine pour le Petit Parisien. En route vers Shanghaï, elle arrive à Hong-Kong à la fin de l’année: «Du coup, j’en oublie la Chine, car c’est un spectacle prodigieux. Jamais autant que dans la conquête de ce roc l’Angleterre n’a montré sa puissance et sa tenace énergie. En haut, la ville de plaisance en mosaïque avec ses blancs palais dans des parcs; en bas, la ville du travail et des affaires. Celle-ci entasse sur une largeur de moins de 600 mètres de la base du rocher au port, ses monuments, ses squares, ses pelouses où veillent les mêmes tristes statues de souverains qu’à Londres, affublés des mêmes falbalas de bronze. Elle aligne le long des rues et des quais ses banques, ses maisons de commerce, ses magasins aux noms orgueilleux, les mêmes qui sonnent à travers tout l’Empire […]».
Ne pouvant visiter les magasins fermés le samedi, elle assiste à une séance de cinéma. Si le décor de la salle l’étonne par son luxe, elle est surtout sensible à la séparation de fait des deux communautés: «Des familles en foule y pénètrent, s’y pressent, s’y prélassent : familles anglaises, les pères épanouis, pipe de bruyère dans un visage de jambon cru, bien plantés sur de vastes chaussures en cuir jaune, les mères maigres et anxieuses, couvant du regard des enfants vigoureux, cheveux de paille sous la casquette de club ou d’école ; familles chinoises, pères à la longue nuque, étalant leur bedaine dans la longue robe noire ou le costume européen ; fines jeunes filles maniérées, aux brillants cheveux courts, aux joues safranées et fardées, onduleuses dans des tuniques de soie claire les gainant étroitement des oreilles aux hanches ; garçons extraordinairement élégants, têtes laquées de noir, vestons sobres et lunettes d’écaille. Tout ce monde est paré, joyeux. Les groupes anglais échangent des signes, les groupes chinois s’interpellent. On cause, on plaisante, on rit. Mais entre Anglais et Chinois, aucun contact, nul mélange. Assis côte à côte, ils demeurent lointains, impénétrables, groupés dans cette salle par îlots qu’aucun courant ne relie.»
Sa soirée est consacrée à la ville chinoise: «Elle est immense, éclatante et pourtant mystérieuse […] Ce sont des gouffres d’aveuglante clarté, d’assourdissant et inquiétant tumulte. Tous les magasins sont grands ouverts. Partout des hommes penchés tapent sur le fer, scient ou sculptent le bois, déroulent des étoffes, taillent ou brodent le cuir. Quand dorment-ils? Ils travaillent, travaillent sans trêve, la nuit autant que le jour. […] Quelle foule! Ce n’est plus la glissante mollesse orientale de l’Inde mais des gens aux épaules robustes, à l’allure virile, au pas ferme. Dans les durs visages aux méplats nets, ce n’est pas non plus la fuite sournoise du regard annamite, de l’Annamite qui se considère comme un esclave, mais un œil hardi, aigu qui vous scrute et vous toise sans crainte ni aménité.[…] Tout à coup, un groupe se forme et grossit autour d’une affiche fraîchement collée: sous de grands caractères chinois de couleur rouge, un dessin représente deux petits soldats japonais, l’un avec un fusil, l’autre avec une baïonnette, s’élançant vers un colosse chinois qui attend leur choc, droit et méprisant, son grand sabre courbé au poing […] Et je songe soudain que dans cette ville de Hong-Kong, ils sont un million de Chinois contre une poignée d’Européens qui sont venus s’installer chez eux.»
Comme Marc Chadourne, autre journaliste célèbre, qui passe lui-aussi par Hong-Kong en 1931, elle perçoit la communauté chinoise comme une menace latente qui lui rappelle les propos d’un diplomate chinois à la Conférence de la Paix en 1919: «[…] Savez-vous que sur quatre hommes il y a toujours un Chinois? Savez-vous que nous sommes quatre cents millions, le quart de l’humanité? Quatre cents millions en 1919, quatre cents cinquante millions aujourd’hui! Ces chiffres que je voyais alors d’une façon abstraite, avec quelle terrible éloquence ils m’apparaissaient ce soir-là, perdue que j’étais dans la multitude agitée de cette grande ville effrayante de tumulte et d’éclat!»
Cette méfiance, elle ne la ressent pas lors d’une brève visite à Canton: «Comme à Hong-Kong, cinémas, théâtres, restaurants, piaillements, musiques, claquements sonores des socques de bois sur les pavés. Mais cependant, chose étrange, aucune animosité dans les regards et, cependant, je ne rencontre pas un seul Européen.»
Début janvier, elle se rend à Shanghaï et est témoin des combats sanglants de janvier-février opposant troupes chinoises et japonaises autour du quartier de Chapeî. A la mi-mars, voulant poursuivre son enquête sur les «réactions des événements de Mandchourie et de Shanghaï», elle s’embarque pour le Japon.
DVR.
Sources : Viollis (André), «Changhaï et le destin de la Chine», Paris, Editions Corréa, 1933. Crédits photographiques : http://www.geisteswissenschaften.fu-berlin.de
jeudi 16 avril 2009
La famille Wang mêle cinéma et francophilie depuis 50 ans
Producteur, équipementier, distributeur… Salon Films touche à tous les métiers du cinéma à Hong Kong depuis presque 50 ans. Son fondateur, T.C. Wang, et ses deux fils, ont une autre passion : la culture française. Et ils n’ont jamais manqué une occasion d’accueillir un tournage de film français. Fred Wang revient sur ces collaborations.
«Mon père était attiré par la France, grand pays de l’art selon lui, raconte Fred Wang. Le mot «salon» l’inspirait beaucoup sans qu’il sache sa signification exacte à l’époque. Cela résonnait avec le salon des arts de Paris, et évoquait pour lui de nombreuses images ; c’était classieux. C’est cette touche française qu’il a retenu pour créer le nom de son entreprise». Ainsi naît Salon films, au début en 1959. «Le premier film sur lequel il a travaillé était Le monde de Suzie Wong». Le long-métrage américain de Richard Quine, avec William Holden et Nancy Kwan, est un véritable succès et permet d’asseoir la petite société naissante.
L’activité principale de Salon films est de fournir des équipements sur les plateaux de tournage. L’entreprise s’est également diversifiée dans la production et la distribution des œuvres cinématographiques. «Nous avons toujours proposé de nombreux services, techniques ou financiers, pour le cinéma, explique le dirigeant. Et nos collaborations avec la France ont été nombreuses!» A commencer par la société Pathé-Overseas de Georges Le Bigot, dont nous avons déjà parlé. «Nous l’avons bien connu, il était devenu un ami proche».
En 1974, Bons baisers de Hong Kong, le film des Charlots, est l’une des premières occasions de tournage franco-hongkongais. Le frère de Fred Wang, Charles, était alors en charge du dossier. «Il y avait de très fortes différences culturelles entre les techniciens Français et ceux Hongkongais. Il y avait souvent des quiproquos et la mise en place du travail n’était pas toujours facile». Les cascades ont donné lieu à de drôles de situations. «Les Français avaient des exigences auxquelles les équipes d’ici n’étaient pas prêtes, s’amuse encore Fred Wang. Depuis, nos cascadeurs se sont nettement améliorés!»
Globalement, les Français arrivaient très relaxés sur les tournages car «beaucoup de lois leur permettent le repos et la tranquillité. Les équipes de Hong Kong, à l’inverse, n’ont pas les mêmes avantages sociaux et doivent toujours être sur la brèche». Fred Wang n’était pas étonné plus que de raison par ces différences. «En 1965, je suis parti en France en tant qu’étudiant, se souvient-il. J’ai effectué un long stage à l’ORTF ! J’ai vécu des moments formidables!»
Charles Wang, son frère aîné, suivait de très près tous les dossiers de tournages français, en facilitant du mieux possible les réalisations. Il en a d’ailleurs été récompensé avec la distinction de chevalier de l’ordre des arts et des lettres. Pour les Anges gardiens en 1994, l’équipe de Jean-Marie Poiré cherchait en vain un lieu de tournage. Charles Wang a proposé le siège social de Salon films, sur Devon road à Kowloon Tong… pour servir de décor au film.«Je me souviens également que le tournage d’Emmanuelle 2 [en 1975] nous a donné quelques soucis du point de vue technique: nous avions fait venir des caméras américaines toutes neuves, reprend Fred Wang. C’était la première fois que les Français les utilisaient et elles sont tombées en panne. Nous avons dû organiser une réparation à distance par téléphone avec les USA… en 1975, ce n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui!».
Et Fred Wang d’évoquer encore et avec nostalgie toutes ces années de relations, des Charlots à Coluche (pour Banzaï en 1983), jusqu’au passage plus récent d’Alain Delon. «Nous avons accueilli Alain Delon pendant ses vacances, en 1997, il est célèbre en Chine pour Zorro, explique l’entrepreneur. D’ailleurs, lors de sa venue, il a même été question de faire un remake de ce film!» Les projets de Salon films sont nombreux et Fred Wang est toujours occupé. Au sujet d’une nouvelle collaboration avec la France? «Pourquoi pas, évidemment… Il est vrai que c’est un peu plus calme depuis quelques années, mais nous sommes toujours prêts».
L’activité principale de Salon films est de fournir des équipements sur les plateaux de tournage. L’entreprise s’est également diversifiée dans la production et la distribution des œuvres cinématographiques. «Nous avons toujours proposé de nombreux services, techniques ou financiers, pour le cinéma, explique le dirigeant. Et nos collaborations avec la France ont été nombreuses!» A commencer par la société Pathé-Overseas de Georges Le Bigot, dont nous avons déjà parlé. «Nous l’avons bien connu, il était devenu un ami proche».
En 1974, Bons baisers de Hong Kong, le film des Charlots, est l’une des premières occasions de tournage franco-hongkongais. Le frère de Fred Wang, Charles, était alors en charge du dossier. «Il y avait de très fortes différences culturelles entre les techniciens Français et ceux Hongkongais. Il y avait souvent des quiproquos et la mise en place du travail n’était pas toujours facile». Les cascades ont donné lieu à de drôles de situations. «Les Français avaient des exigences auxquelles les équipes d’ici n’étaient pas prêtes, s’amuse encore Fred Wang. Depuis, nos cascadeurs se sont nettement améliorés!»
Globalement, les Français arrivaient très relaxés sur les tournages car «beaucoup de lois leur permettent le repos et la tranquillité. Les équipes de Hong Kong, à l’inverse, n’ont pas les mêmes avantages sociaux et doivent toujours être sur la brèche». Fred Wang n’était pas étonné plus que de raison par ces différences. «En 1965, je suis parti en France en tant qu’étudiant, se souvient-il. J’ai effectué un long stage à l’ORTF ! J’ai vécu des moments formidables!»
Charles Wang, son frère aîné, suivait de très près tous les dossiers de tournages français, en facilitant du mieux possible les réalisations. Il en a d’ailleurs été récompensé avec la distinction de chevalier de l’ordre des arts et des lettres. Pour les Anges gardiens en 1994, l’équipe de Jean-Marie Poiré cherchait en vain un lieu de tournage. Charles Wang a proposé le siège social de Salon films, sur Devon road à Kowloon Tong… pour servir de décor au film.«Je me souviens également que le tournage d’Emmanuelle 2 [en 1975] nous a donné quelques soucis du point de vue technique: nous avions fait venir des caméras américaines toutes neuves, reprend Fred Wang. C’était la première fois que les Français les utilisaient et elles sont tombées en panne. Nous avons dû organiser une réparation à distance par téléphone avec les USA… en 1975, ce n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui!».
Et Fred Wang d’évoquer encore et avec nostalgie toutes ces années de relations, des Charlots à Coluche (pour Banzaï en 1983), jusqu’au passage plus récent d’Alain Delon. «Nous avons accueilli Alain Delon pendant ses vacances, en 1997, il est célèbre en Chine pour Zorro, explique l’entrepreneur. D’ailleurs, lors de sa venue, il a même été question de faire un remake de ce film!» Les projets de Salon films sont nombreux et Fred Wang est toujours occupé. Au sujet d’une nouvelle collaboration avec la France? «Pourquoi pas, évidemment… Il est vrai que c’est un peu plus calme depuis quelques années, mais nous sommes toujours prêts».
FD.
Sources et crédits photographiques : merci à M. Fred Wang pour le temps qu’il nous a consacré, et pour les documents qu’il a bien voulu mettre à notre disposition.
Légendes des photos, de haut en bas: A, les frères Wang autour de leur père, Charles à gauche et Fred à droite; B, Sylvia Kristel sur le tournage de Emmanuelle 2 à Hong Kong; C, Alain Delon lors de son passage dans la famille Wang.
Légendes des photos, de haut en bas: A, les frères Wang autour de leur père, Charles à gauche et Fred à droite; B, Sylvia Kristel sur le tournage de Emmanuelle 2 à Hong Kong; C, Alain Delon lors de son passage dans la famille Wang.
jeudi 9 avril 2009
Henry Litton, 50 ans de francophonie à Hong Kong
Juriste reconnu, Henry Litton est aussi un francophile invétéré. Il a été président de l’Alliance française de Hong Kong pendant quinze ans. Charmant et discret, il revient avec modestie sur cinquante ans de passion pour la culture et la langue françaises.
Henry Litton est issu d’une famille eurasienne de Hong Kong. Il a fait ses études au Royaume-Uni dans les années 1950. Le premier contact avec la France a lieu en 1958. «J’étais étudiant en Droit, et je suis parti à l’université de Grenoble pendant trois mois, se souvient le juriste. Nous étions plusieurs dans une superbe maison sur la route Napoléon [surnom de la nationale 85]». Et de confesser: «C’était plus un séjour pour profiter de la vie en France et découvrir le pays que pour suivre des études! C’était en hiver, et j’ai d’excellents souvenirs».
De retour à Hong Kong, Henry Litton construit une brillante carrière, d’abord dans un cabinet privé, puis au service de l’Etat. Il n’oublie pas ses passions et entre au comité de l’Alliance Française en 1971. «Le directeur de l’époque, François Hudelot, était un grand ami, passionné de voile tout comme moi, souligne Henry Litton. Il est arrivé en 1967 et a organisé le premier réseau de l’Alliance à Hong Kong». Le juriste se souvient d’une Alliance française toujours en ébullition. «Les milieux étudiants étaient plus actifs qu’aujourd’hui dans les années 1970, il y avait fréquemment des grèves et les jeunes professeurs français qui venaient étaient souvent de gauche radicale: c’était agité!» C’est aussi une période de croissance des effectifs et le centre s’agrandit avec des locaux à Kowloon.
En octobre 1985, le juge devient président de l’Alliance Française de Hong Kong, fonction qu’il occupera jusqu’en 2000. Quinze années riches en événements pour l’ancienne colonie britannique. «Depuis 1984, nous savions que la rétrocession aurait lieu… Est ensuite venue la période de Tien An Men, et il y avait donc une grande agitation sociale ; les gens étaient très inquiets». Le Canada offre alors de nombreuses opportunités d’immigration. «Parler Français représentait un avantage certain dans les dossiers, et nos effectifs ont donc pris une ampleur considérable, s’étonne encore l’ancien président. Nous sommes devenus la plus grande Alliance française du monde par le nombre d’étudiants, avec six centres et 12 000 inscrits chaque année…»
Henry Litton laisse ensuite ces lourdes charges à d’autres, mais continue à se passionner pour la culture française: «Je suis abonné à des revues pour suivre les nouveautés, et j’ai toujours un livre en Français en cours…». Dernier en date, la saga historique Fortune de France de Robert Merle. Cette passion pour la France s’est transmise à la famille: «ma fille s’est même mariée à un Français! Elle vit maintenant près de Béziers; c’est pour moi l’occasion de visiter davantage le pays».
Pour son travail et son investissement pour le rayonnement de la francophonie, Henry Litton a été fait chevalier de l’Ordre national du mérite puis, en 1999, chevalier de la Légion d’honneur. Juriste reconnu à Hong Kong et célèbre dans sa profession, Henry Litton est aujourd’hui juge honoraire à la Cour d’appel final ; le tribunal en question est situé dans l’ancien bâtiment de la procure des Missions étrangères de Paris, sur Battery path à Central. La francophonie peut avoir de la suite dans les idées…
Sources : remerciements à M. Henry Litton pour ses informations et le temps qu’il nous a consacré ; www.encyclopediefrancaise.com; Alliance Française de Hong Kong.
De retour à Hong Kong, Henry Litton construit une brillante carrière, d’abord dans un cabinet privé, puis au service de l’Etat. Il n’oublie pas ses passions et entre au comité de l’Alliance Française en 1971. «Le directeur de l’époque, François Hudelot, était un grand ami, passionné de voile tout comme moi, souligne Henry Litton. Il est arrivé en 1967 et a organisé le premier réseau de l’Alliance à Hong Kong». Le juriste se souvient d’une Alliance française toujours en ébullition. «Les milieux étudiants étaient plus actifs qu’aujourd’hui dans les années 1970, il y avait fréquemment des grèves et les jeunes professeurs français qui venaient étaient souvent de gauche radicale: c’était agité!» C’est aussi une période de croissance des effectifs et le centre s’agrandit avec des locaux à Kowloon.
En octobre 1985, le juge devient président de l’Alliance Française de Hong Kong, fonction qu’il occupera jusqu’en 2000. Quinze années riches en événements pour l’ancienne colonie britannique. «Depuis 1984, nous savions que la rétrocession aurait lieu… Est ensuite venue la période de Tien An Men, et il y avait donc une grande agitation sociale ; les gens étaient très inquiets». Le Canada offre alors de nombreuses opportunités d’immigration. «Parler Français représentait un avantage certain dans les dossiers, et nos effectifs ont donc pris une ampleur considérable, s’étonne encore l’ancien président. Nous sommes devenus la plus grande Alliance française du monde par le nombre d’étudiants, avec six centres et 12 000 inscrits chaque année…»
Henry Litton laisse ensuite ces lourdes charges à d’autres, mais continue à se passionner pour la culture française: «Je suis abonné à des revues pour suivre les nouveautés, et j’ai toujours un livre en Français en cours…». Dernier en date, la saga historique Fortune de France de Robert Merle. Cette passion pour la France s’est transmise à la famille: «ma fille s’est même mariée à un Français! Elle vit maintenant près de Béziers; c’est pour moi l’occasion de visiter davantage le pays».
Pour son travail et son investissement pour le rayonnement de la francophonie, Henry Litton a été fait chevalier de l’Ordre national du mérite puis, en 1999, chevalier de la Légion d’honneur. Juriste reconnu à Hong Kong et célèbre dans sa profession, Henry Litton est aujourd’hui juge honoraire à la Cour d’appel final ; le tribunal en question est situé dans l’ancien bâtiment de la procure des Missions étrangères de Paris, sur Battery path à Central. La francophonie peut avoir de la suite dans les idées…
FD.
Sources : remerciements à M. Henry Litton pour ses informations et le temps qu’il nous a consacré ; www.encyclopediefrancaise.com; Alliance Française de Hong Kong.
jeudi 2 avril 2009
1844, le premier homme d’affaire français à Hong Kong
Auguste Haussmann est un commerçant alsacien. En 1844, il rejoint la mission Lagrené qui a pour objectif d’établir des relations durables entre la Chine et la France. Ses responsabilités portent tout particulièrement sur l’observation des débouchés potentiels de l’industrie française dans l’Empire du Milieu. Lors de son passage à Hong Kong, il propose une approche nuancée de l’avenir de la colonie britannique.
Avec la première guerre de l’opium (1839-1842), l’Angleterre force la Chine à s’ouvrir politiquement et économiquement. «Par une générosité dont sa politique séculaire offre peu d’exemples, et qui, pour cela même, doit paraître équivoque, [l’Angleterre] avait stipulé au profit de toutes les nations.» Auguste Haussmann est clair dès l’introduction de son ouvrage: l’altruisme britannique est douteux, il faut s’en affranchir en établissant avec la Chine des relations durables au nom du gouvernement français… C’est l’objet de la mission du ministre plénipotentiaire Lagréné, en 1844.
Auguste Haussmann rejoint en cours de route les membres du corps diplomatique. C’est un homme d’affaire alsacien, envoyé par la chambre de commerce de Mulhouse pour s’occuper de la partie économique et vanter les produits français. Plus spécialement, il représente l’industrie textile de sa région. Son ouvrage «Voyage en Chine, Cochinchine, Inde et Malaisie» est empreint de beaucoup de rigueur et diffère des écrits de l’époque. Il s’agit plus de rendre compte avec précision de sa mission que de proposer rêve et évasion par le biais d’un récit exotique. Les anecdotes et le peu de descriptions ont toujours pour objectif d’illustrer ou de prouver les analyses de cet attaché commercial.
En février 1844, il embarque sur «l’Archimède» commandé par le capitaine Pâris. Il s’agit, pour la petite histoire, du premier navire français à vapeur à doubler le cap de Bonne-Espérance. Après de longues et nombreuses escales, Haussmann arrive à Macao en août. Avec ses collègues, il expose les produits de l’industrie française à Macao et Canton… sans grand succès. C’est donc un homme d’affaire quelque peu désabusé qui arrive à Hong Kong, d'autant que dans le delta de la rivière des perles, le navire a échappé de justesse à une attaque de pirates.
Il semble assez peu enclin à voir ce qui est positif autour de lui et sa description de la baie est vite expédiée. Pas d’émerveillement sur le spectacle qui s’offre à lui, mais ces remarques: «On lui [Hong Kong] reproche […] de laisser quelque prise à certains vents, vers la partie septentrionale, et, par contre, d’être trop encaissée au Sud par les montagnes, ce qui empêche la brise de Sud-Ouest de venir assainir l’air pendant la saison des grandes chaleurs.» L’expédition accoste et visite l’île. «En pénétrant dans l’intérieur, on rencontre une suite de collines arides et de petites vallées où croissent quelques arbres, de hautes herbes et des ignames. On aperçoit aussi, de temps en temps, des rizières arrosées par les nombreux ruisseaux qui descendent des montagnes, et qui ont fait donner à Hong Kong le nom beaucoup trop poétique d’île aux ruisseaux odorants. L’aspect général du pays est triste, sauvage, et sa surface fort inégale.»
Auguste Haussmann remarque quelques beaux bâtiments dans la petite ville anglaise de Victoria, et souligne qu’on «apercevait des édifices en constructions, des rues qui s’alignaient à travers des quartiers naissants et qui portaient déjà les noms des principaux fonctionnaires de la colonie, rues larges, aérées, où l’on se trouve presque en Europe au milieu des Chinois». Le voyageur semble se laisser impressionner à mesure qu’il découvre le centre, de Queen’s road jusqu’au palais du gouverneur, mais la critique reprend le dessus rapidement au sujet de l’insalubrité du climat et des très nombreuses fièvres qui déciment la population.
Plus longuement, l’homme d’affaire dresse le premier état des lieux économique de la colonie du point de vue français. Il explique que les ports chinois environnants envoient chaque mois «une soixantaine de gros bateaux marchands, qui y apportent [à Hong Kong] les vivres nécessaires aux habitants, et s’en retournent avec un petit chargement de long-cloths et d’autres produits de l’industrie européenne.» Le commerce du sel est important et Haussmann rappelle que c’est «un monopole très lucratif pour le gouvernement [chinois], et qu’il donnait lieu, depuis quelque temps, à une contrebande des plus actives. Les jonques qui l’apportent à Hong Kong, prennent en retour de l’opium et d’autres articles, qui se débitent dans les boutiques de la ville de Victoria.» Le spécialiste détaille ensuite quels produits viennent de telle ou telle région et s’interroge sur «le grand mystère» qui entoure le commerce avec les villes de Kit-Yeo et Haï-Yeo.
L’Alsacien note que c’est le commerce d’escale qui a le plus d’importance à Hong Kong. Les Anglais ont donc su rendre leur port incontournable et ce, en quelques années. C’est une information importante pour la mission Lagrené et l’homme d’affaire se lance dans des énumérations de chiffres pour montrer à quel point ce commerce est essentiel pour la colonie britannique. Il analyse également les causes de cet établissement colonial : la décadence de Macao vient en premier lieu car, pour le Français, «si [Macao] eut été déclaré port libre en temps utile, les Anglais n’auraient sans doute jamais songé à aller habiter Hong Kong» ; suivent l’efficacité militaire des Anglais et le système administratif chinois déplorable, particulièrement celui des douanes.
Tout en froideur, Auguste Haussmann ne prête guère attention à l’attrait de l’île et au spectacle qu’offre la colonie. Contrairement à ce que reconnaissent tous les voyageurs de passage après lui, «cette île n’est ni assez peuplée, ni assez fertile, ni assez convenablement située, pour pouvoir devenir un marché important». La suite lui donne tort a priori, mais il ajoute une précision utile qui fait peut-être de lui un habile visionnaire. Hong Kong ne se développera pas, «aussi longtemps que Canton et les quatre ports du Nord seront ouverts aux navires étrangers.» Et si l’histoire tourmentée de la Chine était la chance de la colonie britannique? C’est ce qu’avance Haussman en précisant: «Aujourd’hui [Hong Kong] n’est, en quelque sorte, que la sauvegarde des négociants européens établis en Chine, un lieu de refuge en cas de guerre, et un établissement militaire formidable» ; mais dans l’optique d’une brouille des relations sino-européennes, l’envoyé français voit déjà «la possession britannique se changer en un entrepôt considérable.»
En guise de bilan, l’attaché commercial reconnaît finalement que «partout ici la main de l’homme a triomphé de la nature rebelle.» Et de finir sur cette note positive : «Hong Kong est le plus beau monument de gloire qu’ait pu s’ériger l’Angleterre commerçante et maritime!».
Sources et crédits photographiques : Auguste HAUSSMANN, Voyage en Chine, Cochinchine, Inde et Malaisie, 3 volumes, 1848 ; Numa BROC, Dictionnaire illustré des explorateurs français du XIXe siècle, 1992. Remerciements à M. Yves Azémar et son inépuisable librairie d'ouvrages anciens sur l'Asie, 89 Hollywood road - Hong Kong.
Auguste Haussmann rejoint en cours de route les membres du corps diplomatique. C’est un homme d’affaire alsacien, envoyé par la chambre de commerce de Mulhouse pour s’occuper de la partie économique et vanter les produits français. Plus spécialement, il représente l’industrie textile de sa région. Son ouvrage «Voyage en Chine, Cochinchine, Inde et Malaisie» est empreint de beaucoup de rigueur et diffère des écrits de l’époque. Il s’agit plus de rendre compte avec précision de sa mission que de proposer rêve et évasion par le biais d’un récit exotique. Les anecdotes et le peu de descriptions ont toujours pour objectif d’illustrer ou de prouver les analyses de cet attaché commercial.
En février 1844, il embarque sur «l’Archimède» commandé par le capitaine Pâris. Il s’agit, pour la petite histoire, du premier navire français à vapeur à doubler le cap de Bonne-Espérance. Après de longues et nombreuses escales, Haussmann arrive à Macao en août. Avec ses collègues, il expose les produits de l’industrie française à Macao et Canton… sans grand succès. C’est donc un homme d’affaire quelque peu désabusé qui arrive à Hong Kong, d'autant que dans le delta de la rivière des perles, le navire a échappé de justesse à une attaque de pirates.
Il semble assez peu enclin à voir ce qui est positif autour de lui et sa description de la baie est vite expédiée. Pas d’émerveillement sur le spectacle qui s’offre à lui, mais ces remarques: «On lui [Hong Kong] reproche […] de laisser quelque prise à certains vents, vers la partie septentrionale, et, par contre, d’être trop encaissée au Sud par les montagnes, ce qui empêche la brise de Sud-Ouest de venir assainir l’air pendant la saison des grandes chaleurs.» L’expédition accoste et visite l’île. «En pénétrant dans l’intérieur, on rencontre une suite de collines arides et de petites vallées où croissent quelques arbres, de hautes herbes et des ignames. On aperçoit aussi, de temps en temps, des rizières arrosées par les nombreux ruisseaux qui descendent des montagnes, et qui ont fait donner à Hong Kong le nom beaucoup trop poétique d’île aux ruisseaux odorants. L’aspect général du pays est triste, sauvage, et sa surface fort inégale.»
Auguste Haussmann remarque quelques beaux bâtiments dans la petite ville anglaise de Victoria, et souligne qu’on «apercevait des édifices en constructions, des rues qui s’alignaient à travers des quartiers naissants et qui portaient déjà les noms des principaux fonctionnaires de la colonie, rues larges, aérées, où l’on se trouve presque en Europe au milieu des Chinois». Le voyageur semble se laisser impressionner à mesure qu’il découvre le centre, de Queen’s road jusqu’au palais du gouverneur, mais la critique reprend le dessus rapidement au sujet de l’insalubrité du climat et des très nombreuses fièvres qui déciment la population.
Plus longuement, l’homme d’affaire dresse le premier état des lieux économique de la colonie du point de vue français. Il explique que les ports chinois environnants envoient chaque mois «une soixantaine de gros bateaux marchands, qui y apportent [à Hong Kong] les vivres nécessaires aux habitants, et s’en retournent avec un petit chargement de long-cloths et d’autres produits de l’industrie européenne.» Le commerce du sel est important et Haussmann rappelle que c’est «un monopole très lucratif pour le gouvernement [chinois], et qu’il donnait lieu, depuis quelque temps, à une contrebande des plus actives. Les jonques qui l’apportent à Hong Kong, prennent en retour de l’opium et d’autres articles, qui se débitent dans les boutiques de la ville de Victoria.» Le spécialiste détaille ensuite quels produits viennent de telle ou telle région et s’interroge sur «le grand mystère» qui entoure le commerce avec les villes de Kit-Yeo et Haï-Yeo.
L’Alsacien note que c’est le commerce d’escale qui a le plus d’importance à Hong Kong. Les Anglais ont donc su rendre leur port incontournable et ce, en quelques années. C’est une information importante pour la mission Lagrené et l’homme d’affaire se lance dans des énumérations de chiffres pour montrer à quel point ce commerce est essentiel pour la colonie britannique. Il analyse également les causes de cet établissement colonial : la décadence de Macao vient en premier lieu car, pour le Français, «si [Macao] eut été déclaré port libre en temps utile, les Anglais n’auraient sans doute jamais songé à aller habiter Hong Kong» ; suivent l’efficacité militaire des Anglais et le système administratif chinois déplorable, particulièrement celui des douanes.
Tout en froideur, Auguste Haussmann ne prête guère attention à l’attrait de l’île et au spectacle qu’offre la colonie. Contrairement à ce que reconnaissent tous les voyageurs de passage après lui, «cette île n’est ni assez peuplée, ni assez fertile, ni assez convenablement située, pour pouvoir devenir un marché important». La suite lui donne tort a priori, mais il ajoute une précision utile qui fait peut-être de lui un habile visionnaire. Hong Kong ne se développera pas, «aussi longtemps que Canton et les quatre ports du Nord seront ouverts aux navires étrangers.» Et si l’histoire tourmentée de la Chine était la chance de la colonie britannique? C’est ce qu’avance Haussman en précisant: «Aujourd’hui [Hong Kong] n’est, en quelque sorte, que la sauvegarde des négociants européens établis en Chine, un lieu de refuge en cas de guerre, et un établissement militaire formidable» ; mais dans l’optique d’une brouille des relations sino-européennes, l’envoyé français voit déjà «la possession britannique se changer en un entrepôt considérable.»
En guise de bilan, l’attaché commercial reconnaît finalement que «partout ici la main de l’homme a triomphé de la nature rebelle.» Et de finir sur cette note positive : «Hong Kong est le plus beau monument de gloire qu’ait pu s’ériger l’Angleterre commerçante et maritime!».
FD.
Sources et crédits photographiques : Auguste HAUSSMANN, Voyage en Chine, Cochinchine, Inde et Malaisie, 3 volumes, 1848 ; Numa BROC, Dictionnaire illustré des explorateurs français du XIXe siècle, 1992. Remerciements à M. Yves Azémar et son inépuisable librairie d'ouvrages anciens sur l'Asie, 89 Hollywood road - Hong Kong.
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