jeudi 9 octobre 2008

«Paris Béguin», premier film parlant français diffusé à Hong Kong

Le 10 mai 1933, pour la première fois, un film parlant français est projeté à Hong Kong et la salle de cinéma ne désemplit pas. Pour le consul de France à Hong Kong, c’est un événement pour la France, pour le rayonnement de son industrie du cinéma et pour le prestige de la langue française. A tel point d’ailleurs que, grisé par ce succès et porté par son enthousiasme, le consul oublie dans son rapport à Paris de mentionner le titre du film!
Dès les premières lignes de la dépêche du 12 mai 1933 qu’il adresse au ministre des Affaires étrangères, le consul de France à Hong Kong, Dufaure de la Prade, donne le ton : «Le 10 mai 1933 aura été, pour la cinématographie, un jour faste qu’elle est en droit de marquer d’un caillou blanc. Ce jour-là, pour la première fois, un des cinémas de la place a fait passer sur l’écran un film français, film parlant avec sous-titre en anglais».
Le consul décrit ensuite le succès populaire qu’a rencontré la projection de ce film au cinéma «Central» qui, «au cours des quatre séances consécutives […] n’a pas désempli». Il y a longtemps en effet que le directeur du cinéma «n’avait enregistré une aussi forte recette». Le consul ne doutait pas de la réussite de la projection du film : «Je n’avais cessé de le marquer par avance au cours de mes conversations avec les Directeurs des Etablissements de divertissement de cette ville. […] Je dois avouer que le succès a dépassé mon attente». Dufaure de le Prade prévoyait que «le public hong kongais éprouverait une certaine satisfaction à assister à des séances consacrées à des productions françaises tant pour l’agrément d’entendre un dialogue français […] que pour le plaisir de pouvoir comparer les productions françaises avec les productions étrangères». Le consul de France, du fait du succès de cette première projection de film français parlant à Hong Kong, demande alors au ministère des Affaires étrangères «de bien vouloir adresser un appel à l’industrie cinématographique française pour l’inviter à tenter un effort dans cette colonie anglaise, de concert avec le livre français, en vue du maintien et de la propagation de notre langue à l’étranger».
Plusieurs décennies avant ses successeurs, le consul nous livre ainsi un vibrant plaidoyer en faveur de la Francophonie et de la défense du cinéma français! Il n’omet d’ailleurs pas de mentionner les commentaires élogieux de la presse en anglais mais aussi du «seul journal chinois qui s’occupe des questions cinématographiques», qui «n’a pas caché que le public chinois, à qui il avait été donné pour la première fois d’assister à un film français, a estimé que la production française révélait les qualités supérieures de l’art français».La seule pierre d’achoppement pour le consul provient du documentaire qui précédait la projection du film, «un vieux film de onze ans, […] reproduisant le voyage d’un ancien ministre des Travaux Publics» dans le Lautaret, «sans qu’il n’ait été fait grâce des banquets, […] des discours, celui du Ministre, du Préfet, du Général, du Député, du président du T.C.F.», alors que le film était muet! Le consul a craint «que les spectateurs ne quittassent la salle avant l’apparition du film proprement dit». Il faut certes, faire profiter le public de «Hong Kong, un des grands carrefours de l’univers» de la «propagande touristique, […], traitant de nos beaux paysages, de nos admirables routes, de nos magnifiques stations thermales ou climatiques», mais avec un film «présenté objectivement et non comme une réclame animée».
Le consul de France termine sa lettre en recommandant à ses correspondants parisiens de «trier sur le volet les productions liées à l’exportation», afin «d’apporter au public cosmopolite de Hong Kong […] en même temps que l’expression de nos idées, de nos conceptions et de nos aspirations, le témoignage de nos qualités nationales en matière de théâtre et d’art photographique».
La réponse du ministère des Affaires étrangères à la dépêche enthousiaste du consul est cependant laconique : «Le titre du film ?». Le consul Dufaure de la Prade, grisé par la réussite de cette «première» à Hong Kong, a en effet oublié de préciser le titre du film dans sa dépêche de quatre pages ! Et sa réponse du 26 juillet à la question du ministère est tout aussi laconique mais précise : «Le film était intitulé Paris Béguin». C’est en effet ce film d’Augusto Genina, sorti dans les salles françaises en 1931, qui est projeté à Hong Kong le 10 mai 1933. Fernandel, pour son troisième rôle au cinéma, y interprète un petit truand et Jean Gabin, dans un personnage de cambrioleur, y fait sa première apparition à l’écran.

C.R.
Sources : Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris. Crédit photographique : www.web-libre.org

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