lundi 2 mars 2009

La vie ordinaire d’un petit Français de Hong Kong

Faire l’histoire de la communauté française à Hong Kong depuis 160 ans… c’est aussi s’intéresser à ceux qui s’y trouvent ballottés au gré des pérégrinations parentales. Les enfants ne laissent pas d’archives et les institutions s’intéressent peu à eux. Un témoignage, à la fois anodin et révélateur d’une époque, permet de mettre en lumière le quotidien d’une tête blonde catapultée en Extrême-Orient.
Suite à la publication de notre article sur l’histoire de l’école française à Hong Kong, un courriel est arrivé disant en substance, «le petit garçon au premier plan sur la photo… c’est moi!». Mathieu Bringer a passé quatre ans à Hong Kong, de 1980 à 1984. «Mon père travaillait pour une entreprise hollandaise de textile, se souvient-il. Il dirigeait des centrales d’achat et nous voyagions beaucoup, d’Afrique du Sud aux USA, etc.» Ainsi habitués à l’expatriation, Mathieu, ses deux frères, sa sœur et leurs parents, débarquent dans la colonie britannique en 1980. Le jeune garçon a 7 ans ; il est inscrit à l’école française, alors située dans l’ancien hôpital militaire de Borrett road. Commence alors une nouvelle vie trépidante.
La famille s’installe à Chung Hom Kok, non loin de Repulse bay. «J’y suis revenu il y a cinq ans, c’est fous comme tout à changé… Ce n’est pourtant pas si loin!». Et de raconter l’interminable trajet en bus pour aller à l’école, les terrains vagues aujourd’hui devenus grandes propriétés. «Je garde des impressions plus que des souvenirs précis. Par exemple, je jouais tous les samedis matin au foot sur le Peak… et j’ai l’image de nos parties qui se déroulaient dans la brume plus de la moitié de l’année!» Mathieu évoque encore les typhons et les toutes les fenêtres scotchées de sa maison, ou les discussions de cours de récréation sur les serpents de l’école : «Il y avait la forêt tout autour de l’établissement ; évidemment on nous interdisait d’y aller… et on nous faisait peur avec les serpents qui étaient sensés roder dans les parages». Le jeune homme se remémore également les trajets en Star Ferry pour aller au cours de Judo, «avec la drôle de machine qui avalait les pièces». Plus de 25 ans après, certains lieux restent incontournables pour les enfants : «Comment pourrais-je oublier Ocean park! Et le restaurant flottant d’Aberdeen, le tournoi de rugby à sept…»
Plus précis sont les souvenirs du passage du navire-école de la Marine française, la Jeanne d’Arc. «Mon oncle était le second de ce navire (il s’agit aujourd’hui du vice-Amiral Teule). Nous avions eu le droit à une visite personnalisée, précise Mathieu Bringer, et nous avions mangé dans le mess des officiers. Vous imaginez l’effet sur un gosse de huit ans!». Autre événement resté en mémoire, un exceptionnel voyage en Chine. «Mes parents ont mis deux ans à obtenir le visa. Je me souviens très bien de marées de vélos et d’hommes en uniformes avec les casquettes!».
Le père de Mathieu s’est investi dans la vie de la communauté française. «Il faisait parti du comité exécutif de l’école au moment où le déménagement vers Jardines était en préparation.» La famille Bringer a quitté Hong Kong avant le changement effectif d’établissement, mais «mon père raconte qu’il y avait, par exemple, tout un débat autour de la climatisation. Paris refusait cet aménagement qui était considéré comme un luxe, rapporte Mathieu Bringer. Lorsqu’une délégation de l’agence parisienne est venue en visite pour évaluer le projet, le comité exécutif l’a accueillie dans une salle sans climatisation! C’était en pleine saison chaude, il faisait une moiteur incroyable… A la fin de la réunion, tout le monde était d’avis que l’investissement était nécessaire.»
Après quatre ans passés à Hong Kong, Mathieu suit sa famille en Belgique pour une installation plus durable. «J’ai fait mes études entre la France et la Belgique, raconte le jeune homme. J’ai suivi une formation d’ingénieur et je suis parti sur une thèse en astrophysique». L’Asie est restée ancrée dans l’esprit du garçon qu’il était. «J’ai fait mon possible pour repartir. Ce n’est pas un hasard si, ensuite, je suis devenu VSN à Hanoi!, explique Mathieu Bringer. Ce fut également une excellente expérience ; je m’occupais de coopération scientifique.» Et le voyageur d’enchaîner sur une année sabbatique avec un camarade, pour faire un demi-tour du monde, de Hanoi à Paris, sur de vieilles motos russes.
«Maintenant je suis conseiller en propriété industrielle, et dans quelques semaines, je pars à Shanghai pour occuper un nouveau poste.» Pour Mathieu, cette destination n’est pas anodine non plus. «Je crois que mon expérience hongkongaise a vraiment été importante, analyse celui qui était alors un petit enfant de 8 ans. C’était à un âge où l’on découvre plus attentivement notre environnement, où l’on est plus réceptif… et je suis marqué pour toujours par la découverte de Hong Kong! Même s’ils sont très diffus, j’ai des souvenirs et des impressions fantastiques.»

FD.

Sources : remerciements à M. Mathieu Bringer pour son précieux témoignage. Crédits photographiques : archives privées.

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